Les graines du figuier sauvage

Un film de Mohammad Rasoulof, avec Misagh Zare, Soheila Golestani, Mahsa Rostami, sortie le 18 septembre 2024, 2h48.

CINÉMA

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Par Jean-Michel Zucker 

 

Comme dans son précédent film, Le mal n’existe pas, le réalisateur iranien s’empare de la brutale actualité politique de son pays et soulève dans ce mélodrame grinçant des questionnements éthiques.

 

L’action commence avec la promotion d’Iman, un père de famille aimant, au poste envié mais exposé de juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran. Totalement soumis à l’arbitraire du procureur, il est d’abord torturé par sa conscience qui réprouve les arrêts de peine capitale qu’il est mis en demeure de prononcer sans avoir le temps d’étudier les dossiers. Il se coule cependant rapidement dans sa nouvelle charge et enjoint sa femme, Najmeh, et ses filles, Rezvan et Sana, de bien se tenir.

 

Du reste l’État lui remet un pistolet pour la protection de sa famille, désormais ciblée par sa fonction. Incapable de manier l’arme et de la cacher efficacement, Iman panique lorsqu’elle disparaît mystérieusement et soupçonne tour à tour les trois femmes de la lui avoir prise et de lui mentir. Il est dès lors sous le feu de la révolte de ses deux filles adolescentes contre la théocratie iranienne, tandis que leur mère est déchirée, tiraillée entre elles et son mari, et qu’au dehors la répression s’abat sur la protestation populaire qui s’amplifie dans la rue.

 

Défiant leur père, Rezvan et Sana prennent même le risque d’accueillir et de soigner une camarade activiste blessée au visage par la répression policière. La famille est bouleversée, les parents par la propagande télévisée et les filles par les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. La terreur que fait régner le pouvoir – dont le pistolet d’Iman est la métaphore – détruit progressivement l’intimité familiale. Ainsi dérisoirement menacée par la perte de ce pistolet, la famille quitte Téhéran pour se réfugier dans une cité troglodytique où le mélodrame s’exacerbe en des péripéties d’un burlesque cruel pour se dénouer – figure de l’effondrement de la dictature – d’une façon tragi-comique.

 

D’une grande densité et portée par la qualité des dialogues, cette œuvre courageuse et engagée démontre la capacité du cinéma à résister à l’oppression. Le film a obtenu à Cannes le prix spécial du Jury, le prix de la Critique internationale et le prix du Jury œcuménique. 

 

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