Le film qui m’a plu
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Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet
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Tatami a été coréalisé par le cinéaste israélien Guy Nattiv, qui a pris la nationalité américaine et vit aux États-Unis, et l’iranienne Zar Amir qui est également actrice et vit en France depuis 2008. Cette collaboration est sans doute déjà un affront pour le régime des mollahs qui ne reconnaît pas Israël.
Le film est en noir et blanc. Zar Amir l’a voulu ainsi pour symboliser le fait qu’en Iran, il n’y a pas de discussion possible, « C’est blanc ou c’est noir », dit-elle dans une interview.
L’histoire se passe aux championnats du monde de judo féminin à Tbilissi en Géorgie. Comme le titre l’indique, d’un bout à l’autre du film (à part deux ou trois coupures montrant la famille et les amis suivant la compétition devant la télévision), nous sommes devant le tatami sur lequel la championne de judo iranienne Leila Hosseini (Arienne Mandi) affronte l’une après l’autre les compétitrices de divers pays. On suit les combats presque en temps réel et une sorte d’anxiété nous tient en permanence !
Un film âpre…
À un moment, devant Leila, dans son box, qui attend d’être annoncée pour entrer sur le tatami, une image (incongrue certes !) m’a traversé l’esprit, celle d’un taureau puissant, muscles tendus, prêt à entrer dans l’arène. À d’autres moments, lorsque les combats sont filmés en surplomb à la verticale, j’ai l’impression de voir, sur ce carré blanc, un insecte carnivore qui tourne autour de sa future proie !
C’est un film âpre. Le film tout entier est un combat. L’idée du scénario a pris naissance avant le mouvement « Femme, vie, liberté » qui en est à sa deuxième année d’existence. C’est le combat d’une sportive de haut niveau qui sait qu’elle peut l’emporter sur ses adversaires, mais c’est surtout le combat d’une femme qui se voit imposer une décision qui la prive de sa liberté, qui nie ce qu’elle est. Alors qu’elle va de victoire en victoire, elle reçoit l’ordre venu d’en haut de sortir de la compétition car elle risque de se trouver en position de combattre contre une Israélienne.
C’est enfin le combat d’une femme aux abois contre un pouvoir totalitaire qui, sachant qu’il ne peut lui interdire de continuer à participer à ces épreuves, tente de l’intimider en lui disant que si elle n’obéit pas, son mari et son fils tout comme ses parents vont en supporter les conséquences.
En effet, l’Iran n’a pas reconnu Israël et toute relation, tout contact avec un Israélien est impensable. Or les règlements des fédérations sportives interdisent la discrimination à l’égard de qui que ce soit, l’Iran ne peut donc interdire à ses sportifs de rencontrer des Israéliens.
… reflet d’une réalité cachée
Alors pour contourner le règlement, ces sportifs sont invités à feindre une blessure ou bien on leur trouve une bonne raison pour les exclure (poids non conforme pour la catégorie…) ou pour qu’ils se retirent deux ou trois jours avant la compétition… La coach de Leila, Maryam Ghanbari (Zar Amir) est une ancienne judoka qui a dû abandonner ce sport en raison d’une blessure… Elle aussi est rudoyée au téléphone et on la menace de s’en prendre à sa famille si elle n’arrive pas à persuader Leila de quitter les championnats. Elle cesse alors de la soutenir. La liberté de Leila de faire ce pour quoi elle se sent faite ne doit pas lui faire oublier égoïstement les siens qu’elle met en danger, lui dit-elle. Pourtant le mari soutient son épouse et devant son écran il crie : « Leila, retourne sur le tatami, n’abandonne pas ». Leila n’en peut plus car pour finir elle s’est volontairement blessée, mais elle veut continuer à combattre. Devant la réalité du danger, son mari et leur jeune fils doivent quitter l’Iran. Jusqu’au bout Leila se montrera courageuse et combattive, ne renonçant pas à sa liberté. Ce film n’est pas un documentaire mais ce qu’il raconte est la réalité de l’Iran, une réalité qui n’apparaît pas forcément si l’on voyage dans ce pays magnifique, m’a confié une amie…