L'écoute active
Par David Steinwell, Paroles protestantess
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Combien d’enfants ont-ils été amenés à polir leur langage jusqu’à parfois ne plus savoir dire ce qu’ils ressentaient ? Leur éducation valorisait l’écoute des préceptes de l’adulte, le respect de sa parole, quitte parfois à laisser au jeune, devenu adolescent, le soin de découvrir seul ses propres émotions et leur juste expression.
Combien d’enfants ont-ils au contraire été invités à clarifier sans cesse leurs aspirations et leur ressenti, au risque de devenir le centre de la vie familiale ?
Pour les uns comme pour les autres, l’équilibre entre leur parole personnelle et celle d’autrui est difficile à construire. Plus généralement, la société actuelle favorise l’expression mais a du mal à débattre, elle favorise l’écoute mais peine à prendre en compte la souffrance d’autrui.
Une disponibilité de chaque instant
Les parents, les moniteurs d’école biblique, comme les bénévoles visiteurs dans une paroisse ou à l’hôpital ont pourtant à cœur le bien des enfants, des frères et sœurs, des patients. Mais cela n’empêche pas le sentiment d’être incompris. Ce qui est en jeu semble relever de la nature de l’écoute.
À titre d’exemple, un aumônier témoignait récemment du moment où, devant la force de ce qu’une personne partageait avec lui, il avait senti les mots lui manquer et n’avait pas pu répondre. Il s’étonnait de l’impact de ce silence, puissamment profitable à son interlocuteur. Une vraie rencontre était née de cet espace libre.
Dans un autre registre, un pasteur avouait devoir une part de sa vocation à son moniteur d’école biblique, qui avait répondu à une question importante par une autre question. La nature de l’écoute semble relever de la disponibilité, plus que d’un contenu ou d’une compréhension particulière.
Résonner de la parole de l’autre
Chez toute personne, recevoir l’expression d’un point de vue, d’un ressenti ou d’une souffrance suscite habituellement des associations d’idées, des opinions, des émotions. Et cela est vrai bien au-delà de la volonté de bienveillance ou de l’amitié ou encore de la formation reçue. Écouter les mots, comprendre, cela paraît impliquer de participer à un raisonnement, de partager une impression, de répondre, alors même que la personne qui parle le fait avant tout pour elle. Un enfant qui dit son chagrin ne cherche pas d’explication. Une personne qui souffre de la relation avec son conjoint n’a pas forcément besoin de conseil. Si celui qui écoute interprète dans son propre langage, il tarira inéluctablement l’expression de son interlocuteur. L’écoute semble relever d’une résonance, plutôt que d’une « raisonnance ».
Ce qui est partagé engendre un chemin
Dans la Genèse, Abraham reçoit une parole de Dieu, qui l’invite à aller vers le pays qu’il lui montrera. Il lui faudra des années pour arriver dans un lieu qui n’était pas prévisible. Lorsque Dieu lui demande d’élever son enfant, il comprend qu’il lui faut le sacrifier en l’élevant sur l’autel. Il faudra toute la présence divine pour lui signifier que le verbe élever a bien d’autres sens. En matière d’écoute, entrer en résonance est une sorte de chemin, que l’on emprunte avec l’autre pour découvrir ensemble ce qui adviendra. Cela ne semble pas relever d’un savoir, d’une trajectoire définie ou d’un voyage projeté, mais d’un chemin de vie à deux.
Disponibilité, résonance, chemin. L’écoute active n’est donc pas un projet ou une action, mais la vérité d’une rencontre, que celle-ci se passe en famille, en paroisse où dans un hôpital. « Je suis chemin, vérité, vie », disait Jésus.