Le film qui m’a plu
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Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet
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Ce film a été réalisé à partir d’un documentaire filmé en 2002 sur l’Afghanistan où les Américains « maintiennent l’ordre », c’est-à-dire qu’ils sont là pour tirer sur tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à un taliban, mais ne semblent pas très au fait de ce qui se passe dans le pays… En fait l’ennemi est invisible, retiré dans les montagnes, et les villages sont « organisés » par des chefs de clans rivaux qui imposent lourdement les paysans.
Un périple de vingt ans en arrière
C’est aussi une comédie dont les acteurs principaux sont trois garçons partis à l’aventure à travers le désert de l’Afghanistan, trois jeunes Suisses. Le narrateur évoque avec humour leurs origines protestantes ! Parfois naïfs et téméraires, parfois inquiets, voire angoissés, mais ayant chacun leur personnalité, rappelée de façon humoristique au fur et à mesure de leurs déplacements.
Serge Michel, alors journaliste au Figaro, est envoyé en reportage avec Paolo Woods, photographe de guerre. Claude Baechtold embarque avec eux pour sortir d’état dépressif qu’il traverse depuis la mort accidentelle de ses parents. Ce dernier raconte leur périple plus de vingt ans après, comme une belle histoire. « J’étais très heureux, entre deux parents aimants, je vivais au paradis… ».
En même temps on voit des photos ou de courtes vidéos familiales, parfois animées avec des dessins, des commentaires écrits décalés, avec des flèches colorées désignant telle ou telle personne… « Un jour la porte du paradis s’est refermée à jamais. » Et l’image des parents, dans un cadre où s’inscrit le mot « Paradis », s’éloigne dans le noir et rapetisse jusqu’à disparaître.
Pour se donner l’illusion d’être lui aussi en mission, Claude a acheté, dans un bazar de Kaboul, une caméra avec laquelle il va tourner trente-neuf cassettes, qui sont autant de travaux d’amateur. Le cadrage est parfois approximatif, parfois on n’y voit pas grand-chose ! Mais c’est la narration qui fait tenir ensemble ces petits films, les nombreuses photos couleur que le narrateur a prises, et les rares photos en noir et blanc du sérieux Paolo qui pourtant rit tout le temps.
De la réalité au rêve
Dès le générique, les photos prises par Claude sont présentées à profusion : elles défilent très rapidement, donnant ainsi l’impression que beaucoup de choses ont été vécues… mais sur le mode léger, accompagné de la musique pseudo-baroque joyeuse et sautillante de Rondo Veneziano ! Le ton est donné. Car ces vidéos tournées il y a plus de vingt ans ont été perdues, puis retrouvées récemment, et le sourire ou le rire mettent de la distance entre les événements passés et la vie aujourd’hui.
La partie du récit qui m’a le plus émue, c’est la traversée de nuit de cette rivière Boom, contre l’avis des habitants du lieu, qui leur déconseillaient la poursuite de leur route alors qu’un orage se préparait. On entend le hurlement des loups… On voit en plein écran une étendue grise de flots tumultueux, et on a l’impression d’une mer boueuse. L’on passe insensiblement de la réalité au rêve. « Tiens ! Un navire, je ne savais pas qu’il y en avait sur la rivière ! » … Le narrateur aperçoit alors la silhouette lointaine de sa mère qui lui parle et l’encourage, comme autrefois lorsqu’il était enfant… « Maman, Papa, pourquoi ne pouvez-vous pas venir avec moi ? Pourquoi restez-vous sur l’autre rive ? »…
Cette aventure de quarante-trois jours a guéri Claude : « J’avais peur de tout, mais j’ai compris que ce pays ne voulait pas ma mort. Les gens ici sont entourés de dangers, mais ils vivent en confiance. »
Un film captivant qui ne ressemble à aucun autre !