Relativiser le temps

La seconde épître de Pierre ne fait pas partie des textes les plus fréquemment lus du Nouveau Testament. C’est aussi un des plus récents, car sans doute rédigé un siècle après la mort et la résurrection de Jésus.

Pour Dieu, mille ans sont comme un jour © Brigitte Werner/Pixabay

 

Par Olivier Pigeaud, pasteur à la retraite

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On peut penser que son contenu est peu intéressant parce que tardif. Mais, au contraire, on peut se dire qu’il est utile de savoir comment les chrétiens du second siècle ont pris en compte le temps qui est passé depuis le début du christianisme.

Deux aspects de la problématique de leur situation apparaissent dans notre épître. Ils vivent d’une part des débats théologiques qui peuvent être très déroutants, au sujet de l’interprétation des Écritures, et d’autre part un net découragement parce que le Jour du Seigneur, autrement dit la fin des temps, n’arrive toujours pas, alors qu’on avait imaginé imminent le retour du Seigneur.

 

Un seul jour est comme mille ans

 

On peut être choqué par la virulence avec laquelle le rédacteur de l’épître dénonce ce qu’il considère comme de graves dérives dans l’interprétation de la Bible. Mais n’est-il pas nécessaire, sans être aussi agressif, de dénoncer à notre époque des utilisations frauduleuses de la Bible, comme celles qui ont par exemple justifié il n’y a encore pas très longtemps, l’apartheid ou maintenant l’accaparement de terres, ou le fait de considérer et de traiter certains êtres humains comme des bêtes sauvages ?

 

La réaction de notre épître confrontée au retard de la venue du Jour du Seigneur nous pousse à une réflexion plus philosophique sur notre situation de croyants dans le temps. Face au retard de la venue du Royaume, il nous est dit, au chapitre 3, verset 8, que « Pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans et mille ans sont comme un jour ». C’est la reprise et le développement d’une affirmation attribuée à Moïse dans le psaume 90 au verset 4 : « Mille ans, à tes yeux, Seigneur, sont comme hier, un jour qui s’en va, comme une heure de la nuit. » Cette déclaration, unique dans la Bible hébraïque, met en évidence le contraste entre la brièveté de la vie humaine et ce que l’on peut appeler l’éternité de Dieu.

 

La visée de la formule sur le temps dans la seconde lettre de Pierre est un peu différente. Elle nous invite à relativiser notre perception du temps. Pour les lecteurs de l’époque il fallait, et c’était difficile, accepter que cent ans soient passés sans bouleversement final. Les chrétiens d‘aujourd’hui ont pour la plupart intégré le long étirement du temps depuis le premier siècle chrétien. Il n’en reste pas moins que le verset sur les mille ans comme un jour aux yeux de Dieu nous invite à mieux nous situer dans l’histoire générale et plus particulièrement dans l’histoire du salut.

 

Un avant-goût d’éternité

 

Commençons par le fait que pour Dieu mille ans sont comme un jour, ce qui oblige à réfléchir sur le temps. L’âge de l’univers dans lequel nous vivons est de 14 milliards d’années et celui de notre terre de 4,5 milliards. Par rapport à ces données on peut dire que la durée de chacune de nos vies ne représente même pas un millième de seconde. Nous pesons un peu plus lourd dans l’histoire de l’humanité, qui existe sans doute depuis 2,8 millions d’années, et l’histoire de l’écriture, apparue voilà seulement 3 300 ans. Devant ces durées nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas appréhender ce qu’est le temps pour Dieu. Soyons simplement à notre place, simples et modestes, et relativisons nos petits et même nos gros problèmes. Voilà pour les mille ans comme un seul jour pour Dieu.

 

Et qu’en est-il de l’affirmation selon laquelle un jour est pour Dieu comme mille ans ? Elle nous dit qu’il y a des moments de l’histoire, peut-être spécialement de l’histoire du salut, dont l’importance est telle qu’ils pèsent autant que des siècles. La sortie d’Égypte ? la naissance de Jésus ? Sa mort et sa résurrection plus certainement encore. Il y a des jours qui transforment non seulement le présent mais aussi l’avenir pour toujours. C’est vrai pour l’humanité, mais aussi pour des personnes ou petits groupes. En pensant aux jours qui pour Dieu valent des années, je me demande s’il n’y a pas eu pour moi des jours si importants qu’ils ont marqué ma personne ou ma foi.

 

Et pour finir allons encore plus loin en pensant aux jours et siècles de Dieu. Si nous réalisons que pour Lui le temps est si différent du nôtre n’est-ce pas un avant-goût d’éternité qui nous est offert ? Il nous est difficile d’imaginer une existence sans heures, jours ni années, sans temps qui passe, mais c’est bien ce qui nous attend à la fin de notre existence temporelle. Difficile à imaginer, mais possible à croire !

 


Focus

Les pseudo-épigraphes

 

On appelle ainsi des textes dont le titre ou les premières lignes laissent entendre qu’ils ont été rédigés par un personnage qui n’en n’est pas vraiment l’auteur. C’est le cas, disent les spécialistes, pour plusieurs épîtres du Nouveau Testament, comme la seconde lettre de Pierre et même, sans doute, pour un ou des Évangiles. On peut en dire autant de certains livres prophétiques ou de psaumes ou de livres sapientiaux de la Bible hébraïque. Faut-il penser qu’il s’agit d’œuvres de faussaires ? Certainement pas. Car l’usage était fréquent à l’époque. Écrire sous le nom d’un personnage connu et important était courant. C’était une façon modeste, surtout quand on avait été disciple ou collaborateur d’une personnalité marquante décédée, d’écrire en quelque sorte sous son patronage. Les pseudo-épigraphes reprennent souvent des idées fortes de celui à qui on attribue l’écrit, parfois en les adaptant en fonction du temps qui a passé. Ceux qui ont été placés dans le Nouveau Testament sont sinon très importants, du moins fort utiles.

 

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