Trésors d’archives – volet 3
Par Jocelyne Cathelineau, Église protestante unie de Melle-Celles-Saint-Maixent
Nous continuons l’exploitation des documents réunis par la trésorière de l’Église réformée de Saint-Maixent et environs en 1906, alors que se prépare la première assemblée générale de la toute nouvelle association cultuelle et qu’il s’agit d’inscrire au budget prévisionnel les contributions espérées des paroissiens. Rappelons que cette Église mi-urbaine mi-rurale compte environ 13.000 membres, adultes et enfants confondus. Tous les documents (formulaire d’inscription à l’association cultuelle, lettre de rappel pour ceux qui n’avaient pas répondu) n’ont pas été conservés. Pour autant, les 77 fiches qui nous restent offrent un bon panorama de la paroisse et nous permettent, au travers des réponses, de voir qui est pauvre, modeste ou aisé.
Aujourd’hui nous nous intéressons aux familles modestes qui forment l’essentiel de l’Église. Les deux premières questions posées sur le formulaire sont :
- Voulez-vous faire partie de l’association cultuelle protestante de Saint-Maixent ?
- Quelle sera votre cotisation ?
Le chef de famille est ensuite invité à lister la composition de la maisonnée. Remarque : à côté des familles où vivent trois générations (un grand-parent, les parents et les enfants) beaucoup de foyers ne comportent qu’une personne, veuve ou célibataire, ou deux. « Autrefois, les familles étaient nombreuses… ». Voilà un mythe qui se casse la figure.
Un barème variable
Un document nous a manqué en début de cette étude : la « circulaire » du Conseil presbytéral qui suggère un barème variant en fonction de la composition de la famille. Le Conseil ne peut suggérer de calculer la cotisation en fonction des revenus et du niveau d’imposition. Sur quels documents se baserait-on ? L’impôt progressif sur le revenu, tel que nous le connaissons, ne sera créé qu’en 1914. Et les revenus agricoles ont toujours été très difficiles à quantifier.
Feuilletons les formulaires… Le Conseil semblant avoir soufflé que les foyers devaient donner au moins un franc par personne, beaucoup font ce simple calcul : une personne = un franc, deux personnes = deux francs, etc. Ainsi René R qui vit avec son épouse Léontine P promet-il deux francs. Charles R, à Charchenay, précise qu’il inscrit « 3 grandes personnes et un enfant », les énumère (lui-même, son père, son épouse Marie et Valentine, 4 ans) et précise « 3 francs, un franc par personne ». La petite fille n’est donc pas comptée. Un foyer de six personnes, celui de François S, qui compte trois générations (un grand-père, un couple de parents, trois enfants dont une fille de douze ans et un garçon de cinq) va jusqu’à 7 francs. Idem pour un foyer de la Cour de Saivres, la famille I, qui promet la même somme alors qu’il ne compte que cinq personnes.
Les professions sont rarement indiquées sur les formulaires, les familles à « un franc par personne » habitent toutes des hameaux hors de Saint-Maixent. Ce qui nous permet de penser que les agriculteurs étaient, parmi les paroissiens les plus modestes, les moins aisés. Une exception : Marie D, rue des Tanneries à Saint-Maixent, se dit « indigente » mais promet un franc.
Une cotisation annuelle
Au détour d’une fiche, nous apprenons enfin que la cotisation demandée est annuelle. On ne sait pas si elle devait être acquittée à Noël ou en plusieurs fois… Passons aux familles qui peuvent payer un peu plus, soit 2 ou 3 francs par personne ou un franc de plus que le nombre de personnes au foyer. Un couple sans enfants de Saint-Martin de Saint-Maixent promet « 3 francs pour chaque personne ». Louis R qui vit seul à la Paillerie, commune d’Exireuil, s’inscrit comme « chef de famille » et dit qu’il donnera 3 francs également. Détail touchant : Benjamin N qui promet 5 francs demande l’inscription de son épouse Clémence, de lui-même, d’Eugène, 5 ans, et de « Roger-Yvon, un jour ».
Lorsqu’un commentaire est ajouté sur la fiche, c’est souvent : « Je ne peux faire plus » « Je suis désolée, je ne peux donnée (sic) plus ». On est quelquefois plus précis, comme cette veuve saint-maixentaise qui écrit : « Je vous prie d’accepter ma demande, je trouve qu’elle est assez forte pour moi ». Joseph R qui a reçu la lettre de rappel s’inscrit pour 2 francs et écrit « Monsieur Nous voulons bien faire partie de la sociation (sic) cultuelle. On veut vous donner ce qu’on a offert. ».
Pour terminer, la fiche de Marie P, qui vit à Combré, commune de Saivres, garde la trace partielle de sa protestation devant le barème proposé, ainsi qu’une réponse en pleins et déliés :
« La cotisation était assez juste (elle parle apparemment de la cotisation d’autrefois) celle-ci est souverainement injuste. Comment un monsieur qui a 50000 francs de rentes (Vraiment ? N’ajoute-t-elle pas un zéro ?) ne paiera pas une cotisation plus élevée que le pauvre diable qui gagne son pain à la sueur de son front ! Et vous appelez ça de la justice ? »
Le président du Conseil répond « Les petites gens se cotisent elles-mêmes (Veut-il dire que les personnes modestes calculent elles-mêmes ce qu’elles peuvent donner ?). Quant aux riches, la circulaire fait appel à leur conscience. Si celle-ci reste sourde, ce n’est point la faute du Conseil presbytéral….»
Eh oui ! On pense à la parabole de la pauvre veuve qui avait donné la dernière pièce qui lui restait, alors que le riche pour sa part « ne s’était séparé que de son superflu ». Marie P promet tout de même trois francs.
→ Lire le premier article : Loi de séparation des Églises et de l’État, l’Église compte ses forces.
→ Lire le deuxième article : Loi de séparation des Églises et de l’État, les cotisations en 1906.