Le film qui m’a plu
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Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet
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Thibault, (Benjamin Lavernhe), s’effondre soudain, pris d’un malaise au cours d’une répétition d’orchestre. Il est atteint d’une leucémie et seule une greffe de moelle osseuse a quelque chance de le sauver. Sa sœur Rose (Mathilde Courcol-Rozès) se propose comme donneuse, mais n’est pas compatible : ils découvrent ainsi qu’ils ne sont pas frère et sœur biologiques.
Une adoption non révélée
Thibault a été adopté et les parents ne l’ont jamais révélé à leurs deux enfants. Début fracassant mais le propos du film n’est pas de nous amener vers quelque sordide secret de famille ! Nous allons découvrir une merveilleuse histoire de fraternité entre deux hommes qui jusqu’alors ne connaissaient pas l’existence l’un de l’autre.
Thibault mis au courant de son adoption découvre qu’il a un frère, Jimmy (Pierre Lottin) lequel a été adopté par la brave femme chez qui il avait été placé lorsque sa mère l’a abandonné. Jimmy montrera à Thibault la petite maison de brique rouge dans le coron où tous deux sont nés. Thibault, qui se sent privilégié, regrette que son frère n’ait pas été adopté en même temps que lui. La mère de Thibault n’a cessé, quant à elle, de penser à cet enfant. S’étant trouvée enceinte de Rose, elle n’aurait pu assumer à ce moment-là l’adoption d’un enfant de plus.
Les deux frères ont donc grandi dans des milieux sociaux très différents et n’ont pas eu le même destin. Thibault est devenu un chef d’orchestre de renommée internationale, Jimmy habite cette petite ville du Nord où le chômage menace, avec en toile de fond la fermeture de l’usine. Il est employé à la cantine scolaire et joue du trombone dans l’harmonie municipale, la fanfare.
Un prénom normal
Vous vous souvenez peut-être du film parodique La vie est un long fleuve tranquille qui jouait sur l’opposition entre la famille Groseille, vulgaire et transgressive, au sein de laquelle Momo, intelligent et fin, semblait venu d’ailleurs ; et la très bourgeoise et très catholique famille Lequesnois qui rencontrait quelques difficultés dans l’éducation de la récalcitrante Bernadette. Momo et Bernadette avaient été échangés à la maternité par le machiavélisme d’une infirmière. Le comique reposait sur la supposée prépondérance en chacun des deux enfants de l’héritage biologique.
Le film d’Emmanuel Courcol, au contraire, met en évidence que nous sommes le produit de notre milieu plus que de nos gènes. Jimmy au départ a du mal à voir en Thibault un frère. S’il avait un frère, il serait avec lui et aurait un prénom « normal » ! « Qu’est-ce que tu veux dire par normal ?», demande Thibault amusé. « Ben, je sais pas… comme Jordan par exemple ! » Et Thibault poursuit : « Et mon frère à moi s’appellerait Jean-Baptiste ! » Ce simple échange nous fait prendre conscience de la façon dont les détails trahissent notre appartenance à une catégorie sociale ou une autre. Un prénom a une charge symbolique : il peut évoquer un héritage culturel ou la dernière série télévisée et la presse « people ».
Une diversité bon enfant
Le film montre aussi l’importance de ce groupe de musique dans la vie des gens qui ont une existence difficile. C’est l’Harmonie des mineurs de Lallaing près de Douai qui joue dans le film. Dans l’harmonie de cette histoire, le réalisateur a voulu une diversité bon enfant. Il y a des grincheux, il y a des machos qui ne veulent pas qu’une femme les dirige, comme le suggère Sabrina (Sarah Suco) amoureuse de Jimmy, (car leur chef, pour se reconvertir professionnellement, a dû quitter la région). Mais les gens y sont accueillis tels qu’ils sont, par exemple, cette personne atypique (autiste savante peut-être ?) qui ne veut pas de partition, car elle joue à l’oreille ! Elle n’a pas la langue dans sa poche : « Évidemment que l’on sait la différence entre des notes liées et des notes détachées ! » dit-elle à Thibault venu donner un coup de main à l’harmonie désormais dépourvue de chef. Celui-ci incite Jimmy, qui ne s’en sent pas capable, à prendre la direction et à avoir de l’ambition pour sa fanfare. On voit cette fanfare participer à un concours d’harmonies.
Chaque ville du Nord a la sienne, chacune a ses supporters, et comme pour les équipes de foot, on en vient parfois aux mains ! Bien sûr Jimmy se méprend sur l’ambition qu’il peut avoir car, lui explique Thibault, on ne postule pas pour être musicien au philharmonique de Lille, qui n’engage que des prix de Conservatoire, des musiciens qui ont travaillé pendant plusieurs années, plusieurs heures par jour pour atteindre le niveau qu’ils ont ! Mais on voit évoluer au fil des jours Jimmy et Thibault, à travers la musique, devenus complices comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Un film feel good * diront certains. La fin du film est déchirante… mais un mélo n’est pas nécessairement un film simplet !
* Ndlr : qui fait se sentir bien.