Le baptême : un geste, cinq significations

Lors de mes études de théologie, nous débattions souvent sur la question du baptême entre étudiants. Les repas étaient le lieu de hauts débats théologiques et certes, ils étaient quelque peu mouvementés. Nous revenions sans cesse à ces questions : Quel est le sens du baptême ? Est-il un moyen de salut ? Peut-on baptiser tout le monde ? À tout âge ?

Baptême protestant clandestin dans une maison du temps des persécutions, par Jeanne Lombard © Domaine public

 

Par Élie Saurel-Lafont, pasteur à l’Église protestante unie du Bocage vendéen

 

J’ai grandi dans une famille protestante, au cœur des Cévennes. Pour moi, le baptême n’avait qu’un sens : l’affirmation de la foi du baptisé, ou à la limite de la famille du baptisé.
Ces discussions ont été, pour moi, une remise en cause salutaire de ma compréhension du baptême. Le baptême ne se limitait peut-être pas qu’à la réponse de la foi. Au fil des ans, j’ai poursuivi ma réflexion, au travers de discussions, de lectures, mais c’est l’expérience du terrain, en suffragance ou en paroisse, qui m’a amené à réexaminer en profondeur ma compréhension.

Aujourd’hui, j’ai synthétisé ma réflexion en distinguant cinq significations à ce geste du baptême. Ces sens s’entrecroisent, et je crois qu’il n’est pas possible de résumer le baptême à une seule de ces significations.

 

L’amour inconditionnel de Dieu

 

En premier lieu, le baptême dit l’amour inconditionnel de Dieu pour chaque individu. Ce geste n’est pas un geste magique pour appeler la protection de Dieu sur la personne baptisée, mais il est le témoignage de l’amour premier de Dieu. Il est le signe de la grâce. Cet amour précède le geste et même la naissance de la personne.
Nous retrouvons cette signification du baptême à plusieurs endroits dans la Bible. Par exemple dans la première lettre de Jean « Nous, nous aimons, parce que lui, le premier, nous a aimés. » (1 Jean 4.19). Il y a la même idée dans la lettre de Paul aux Romains : « 38Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Autorités, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, 39ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur. » (Romains 8.38-39)
Je crois que c’est là la première signification dont toutes les autres découlent. Le baptême rappelle que Dieu est à l’initiative. Ainsi je ne vois pas comment je pourrais refuser d’accompagner une personne ou une famille dans sa démarche de baptême.

 

La réponse de foi


Le second sens que je perçois est la réponse de foi de la personne baptisée ou de sa famille à cet amour premier de Dieu. C’est une affirmation de cette confiance qui l’habite et dont elle vit et souhaite témoigner. Le baptême participe alors à la proclamation de l’Évangile, affirmation que Dieu est la source de vie. Dans le même temps, ce geste est l’affirmation que la personne baptisée a besoin de l’amour de Dieu. Pour le dire en langage biblique : « Je crois, viens au secours de mon incrédulité » (Marc 9.24).

 

L’accueil de la communauté


La troisième signification est l’accueil dans une communauté. Je pense en particulier à ce passage de la première épître aux Corinthiens, où l’ensemble des baptisés est décrit comme étant le corps du Christ (1 Corinthiens 12.13). Dans mes préparations de baptême, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfant, je note que cet aspect-ci revient souvent. Pour les parents, il est important d’inscrire leur enfant dans quelque chose de plus grand, dans une famille, dans une histoire. Le baptême fait entrer dans une communauté qui s’enracine loin dans le passé. Cette communauté est souvent perçue comme ayant un langage, une culture, des valeurs propres, que le baptême permettrait de découvrir. Ce sens est très important pour moi, c’est pourquoi je suis très attaché au passage de notre liturgie de baptême qui affirme que même si la personne baptisée venait à s’éloigner de l’Église, la communauté affirmerait qu’elle y a toujours sa place.

 

Le quatrième sens est la participation à la mort et à la résurrection de Jésus. Cette compréhension est en lien avec la repentance, le pardon des péchés et la sanctification. La personne baptisée participe à la mort et à la résurrection de Jésus, elle devient un nouvel humain. C’est une compréhension qui se trouve en particulier dans les lettres pauliniennes : « 12Ensevelis avec lui dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités puisque vous avez cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts. 13Et vous, qui étiez morts à cause de vos fautes et de l’incirconcision de votre chair, Dieu vous a donné la vie avec lui : Il nous a pardonné toutes nos fautes » (Colossiens 2.12-13). Lorsque je prépare des baptêmes, j’aime bien montrer les baptistères antiques orientaux, en forme de croix, et prendre l’exemple de l’empereur Constantin qui a reçu le baptême sur son lit de mort, non parce qu’il ne croyait pas avant mais parce qu’il voulait être lavé de tous ses péchés.

 

Le don de l’Esprit saint


La cinquième et dernière signification, que je perçois, est le don de l’Esprit Saint. Dans les Actes des Apôtres, qui pourraient s’appeler les Actes de l’Esprit, le don de celui-ci est souvent mis en lien avec le baptême. L’intéressant est que certaines fois le don de l’Esprit précède le baptême (et le rend même légitime Ac 10,44-48) et que d’autres fois il vient après (Ac 19,1-7). Le don de l’Esprit est alors compris comme le sceau attestant de la validité du baptême et le don de la puissance de vie qui anime tous les baptisés. Pour moi, affirmer que le baptême est signe du don de l’Esprit, c’est affirmer que Dieu accompagne la personne baptisée et lui donne l’élan, la force de marcher par la foi.

Voici donc, pour moi, les cinq significations qui s’entremêlent dans le geste du baptême : Affirmation de la foi, entrer dans une communauté, humain nouveau et don de l’Esprit, qui découlent de la première signification : l’affirmation de l’amour inconditionnel de Dieu pour tous les humains.

 

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