- Accueil
- Actualités
- A la une
- Société
- Les jeux, une façon d’apprendre la « vraie » vie ?
Les jeux, une façon d’apprendre la « vraie » vie ?
Partage
Élie SAUREL-LAFONT, un pasteur qui aime jouer.
Par Élie SAUREL-LAFONT, Pasteur de l’Église Protestante Unie de Montcoutant et Bocage Vendéen.
©︎ Pixaqbay / pinoyvideogamer
Le jeu m’a accompagné toute ma vie. J’ai appris à jouer au tarot à 7 ans en regardant jouer mes frères. Et nous avons eu très tôt un ordi, donc nous avons joué aux jeux vidéo, comme le premier Civilization, sur disquettes, s’il-vous-plaît, et tout en anglais !
Pourquoi j’aime autant jouer ?
Premièrement, les jeux de société ou vidéo ont cette particularité de définir un espace maîtrisé, avec des actions possibles et des conséquences prévisibles. Si j’appuie sur espace, mon personnage va sauter ; si je joue mon valet d’atout, je vais faire le pli. C’est clair, prévisible et très satisfaisant.
Tout jeu, même le plus complexe, n’est qu’un ensemble de règles permettant d’atteindre un objectif. Tout le monde joue avec les mêmes règles, les mêmes chances et les mêmes connaissances et souvent le même objectif. Et je trouve cela très agréable de pouvoir, pour une fois, anticiper les conséquences de nos actions.
Car la « vraie » vie est chaotique, on ne peut pas prévoir les conséquences de nos actes. Bien sûr, on connaît les lois physiques et leurs conséquences : si je saute du 9ème étage, je sais qu’il y a une grande probabilité que l’atterrissage soit mortel. Mais pour tout ce qui est lié aux relations, à la société, à l’avenir, je ne peux pas prévoir avec certitude les conséquences de mes actes, ni les réactions des autres.
Si le jeu est souvent une porte vers l’évasion, c’est aussi un terrain pour l’expérimentation et le gain en compétences dans la « vraie » vie.
Dans tout jeu, il y a un objectif à atteindre. Et nous sommes confrontés aux autres ou au jeu, ce qui oblige à changer nos projets, notre façon de jouer. Nous devons nous adapter sans cesse, pour tendre vers l’objectif malgré les contraintes.
Et dans notre monde en changement perpétuel, nous avons besoin d’apprendre à nous adapter, à changer notre vision, nos projets, pour évoluer en même temps. Je pense en particulier à nos vies d’Église qui ont souvent plusieurs mises à jour de retard. La foi chrétienne doit s’incarner dans l’aujourd’hui de nos vies et cela demande de nous adapter à ce monde.
Dans un cadre fixé par le jeu, on peut laisser libre cours à notre imagination, essayer, détruire, refaire, revenir dessus des jours plus tard et recommencer. Et sans problème de hausse des prix des matériaux.
Dans ma « vraie » vie, la créativité me permet de chercher des solutions neuves, de proposer des regards différents. Elle me dit aussi que l’échec est possible, qu’il vaut mieux essayer que de ne rien faire, mais aussi que tout est appelé à évoluer, que les solutions d’un moment sont appelées à être remises en cause.
Ces dernières années, les jeux de sociétés coopératifs sont de plus en plus nombreux et je m’en réjouis. Car il s’agit non de gagner contre les autres, mais bien de gagner avec les autres. Et cela fait gagner en compétences sociales : attention à l’autre, écoute et travail en équipe (prendre des décisions ensemble et en être solidaire).
Il est important de prendre en compte l’humanité de ses adversaires et d’être empathique. Cela passe en particulier dans la victoire modeste et la défaite heureuse. Donc oui, les jeux m’enseignent l’empathie, l’attention aux autres dans leurs émotions, dans leurs attentes, dans leur identité.
Pour finir, le jeu m’apprend à comprendre de nouvelles règles du jeu de la « vraie » vie :
Dieu nous dit : « Voilà comment tu peux jouer ta vie ! » À la différence qu’il nous laisse libre de jouer ou non suivant ses règles. Elles sont faciles à énoncer : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Évangile selon Jean, chapitre 13, verset 34), et « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » (Évangile selon Matthieu, chapitre 22, verset 37). Mais on n’a pas assez de toute une vie pour les maîtriser.