Aumônerie hospitalière en question

Michel Paret, aumônier hospitalier de Niort, invite l’Église à s’interroger sur l’aumônerie, afin qu’elle retrouve la force de la Parole et qu’en Église, elle participe à donner sens dans notre société.

Exergue : Malheureusement l’aumônerie hospitalière est devenue partie prenante du systèmeNotre société occidentale fonctionne sur des présupposés que nous n’interrogeons pas. En 1988, Jacques Ellul, dans Le bluff technologique, évoquait la religion de la croissance. Il évoquait les dictatures invisibles de notre société qui nous imposent la croissance, la vitesse, la recherche, la technologie – sans s’interroger sur le sens de ces progrès. Il posait la question : l’homme devient-il plus humain grâce aux techniques ?Il ne s’agit pas tant de diaboliser la technique que de s’interroger sur le sens. Il me semble qu’aujourd’hui, l’aumônerie se contente d’accompagner l’existant même dans son évolution, c’est-à-dire de coopter les choix sociétaux et particulièrement ceux du milieu dans lequel elle fonctionne.Si l’aumônerie aux armées peut s’interroger sur la justesse et l’utilité de la guerre, l’aumônerie aux prisons interpelle sur les formes des peines et leurs alternatives. Mais quelles sont les questions qui traversent l’aumônerie hospitalière ? Se contente-t-elle d’accompagner ce que le progrès technique impose ? Ne doit-elle pas s’interroger et revoir son rôle pour ne pas perdre son âme à simplement suivre le mouvement de la Santé en France ?Après ces dix années de ministère, comme aumônier, je suis arrivé à la conviction que, dans la plupart des cas, nous ne sollicitons plus les ressources (morales, spirituelles, théologiques, etc.), nous n’avons peut-être plus l’envie (la vision) d’élaborer et de présenter des alternatives, d’autres choix de vie. Nous sommes, avec nombre d’acteurs de la santé, comme pris dans le mouvement, dans une spirale de « progrès», au service de l’industrie (chimique et pharmaceutique entre autres), de la machine de l’État et du marché. Il me semble qu’en gardant le silence, l’aumônerie hospitalière est devenue partie prenante du système. Il lui manque son souffle propre. La vision claire et globale de son état et de sa mission lui font défaut. Même le langage est tronqué. Alors l’aumônerie, marginale et marginalisée, peut-elle avoir une parole prophétique dans notre système hospitalier ?Et je pense au secteur de la psychiatrie et de la cancérologie mais pas seulement. La notion même de secteur, cette approche parcellaire, est antithétique du regard biblique sur l’homme. Bien sûr se mettent en place des approches pluridisciplinaires, des déontologies, des protocoles et les fameux droits du patient… mais, est-ce comme les droits de l’homme, plus des principes que des mises en œuvre ?Notre société, dans sa course effrénée à l’efficacité, à la rapidité, génère du handicap pour ceux qui ne peuvent pas suivre. L’aumônerie ne devrait-elle pas proposer, voire proclamer, une parole libératrice, une année de grâce du Seigneur ? Comment peut-elle participer à libérer les captifs ? Ce sont là des questions qui m’habitent car simplement aller rendre visite à Mme X en service fermé (psychiatrie), c’est cautionner cet enfermement alors que d’autres en leur temps se sont levés pour dire stop et créer des alternatives d’accueil et de soin, ne serait-ce que le pasteur John Bost.Nous sommes appelés à être lumière du monde et sel de la terre. Qui se lèvera pour faire tomber les écailles des yeux et ouvrir les oreilles ?Qu’à tous les niveaux, vos réflexions aident l’aumônerie hospitalière à avancer dans le monde actuel que nous participons à complexifier et rendons encore plus enfermant. L’Évangile est parole de libération.Je souhaite que s’engagent des réflexions, à divers niveaux, pour que l’aumônerie retrouve sa liberté. Il est temps que l’aumônerie objecte. Elle devrait affirmer des positions, protester, présenter ses thèses sans attendre 2017 !Michel PARET
Article page 3 du Protestant de l’Ouest de mai 2014 N°385

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