> Commander RESSOURCES Disponible à partir du 30 octobre Edito Mobiliser, nourrir, encourager
L’Eglise protestante unie de France est née d’un désir de témoignage renouvelé. L’adoption d’une déclaration de foi, en 2017, s’offre comme une étape significative sur ce chemin. Souvent, les mouvements d’unité ecclésiale se font sur la base de discussions, voire de négociations, entre théologiens. Il s’agit de reprendre des énoncés qui ont donné lieu à polémiques et malentendus, creusant ainsi un fossé entre Eglises, pour dépasser ces obstacles et parvenir à un compromis. Il ne faut d’ailleurs pas mépriser ces travaux, patients et ardus, qui portent parfois de très beaux fruits. Mais les Eglises locales et les synodes qui ont appelé, dans les années 2000, à reprendre le chantier de l’union luthéro-réformée en France, se sont placés dans la perspective inverse. Constatant une unité déjà vécue dans bien des paroisses, des services et des mouvements, ils ont encouragé à la réaliser plus pleinement. L’urgence n’était plus à élaborer un consensus, objectif déjà réalisé et même dépassé par la Concorde de Leuenberg, mais à répondre à nouveaux frais à la vocation de l’Eglise, dans un environnement en profonde mutation : témoigner de l’Evangile de Jésus-Christ. L’Eglise évangélique luthérienne et l’Eglise réformée ont donc voulu que leur union soit « une base commune de vie et de mission pour le témoignage et le service de l’Evangile » [1]. Le mot important est ici le mot base : l’Eglise protestante unie est certes le fruit d’un long processus, mais elle est bien plus un point de départ, qui ouvre des possibles et engage sur un chemin d’attestation [2]. La rédaction préalable d’une déclaration de foi de la nouvelle Eglise, sorte d’exercice qui aurait permis de vérifier la communion de foi avant d’aller plus loin, a donc été délibérément écartée. La logique inverse a été choisie : s’unir et se mettre en route d’abord, puis ouvrir le chantier d’écriture, parmi d’autres. La « rédaction d’un texte plus simple d’accès et plus utilisable pour exprimer la foi de l’Eglise unie aussi bien auprès de ses membres que dans son témoignage public » sera « une manière d’accompagner et de vivre cette réalisation visible de la communion déjà reconnue » [3]. Une telle déclaration de foi n’entend évidemment pas se substituer aux confessions de foi, aux Livres symboliques et aux Symboles œcuméniques hérités de l’histoire. Elle s’y inscrit au contraire pleinement et, comme toujours en protestantisme, se réfère au-delà aux Ecritures bibliques dont l’autorité est première. Plus modeste donc, l’entreprise est néanmoins délicate et ambitieuse. Elaborer une déclaration de foi, c’est avancer en équilibre sur une ligne de crête, entre des versants opposés qui ont besoin l’un de l’autre : simplicité et nuances, brièveté et substance, énoncés familiers aux fidèles et formulations accessibles à tous, souci de l’unité de l’Eglise et des spécificités luthéro-réformées, pérennité du propos et résonances avec l’actualité, invitation à l’expression personnelle et affirmation de convictions communes. En outre, la pertinence et la fécondité d’une déclaration de foi ne se décrètent pas ; elles se révèlent – ou pas ! – avec la patine du temps. Mais après tout, n’en va-t-il pas ainsi de tout témoignage rendu au Seigneur vivant ? Cette indétermination devrait donc nous encourager à une paisible audace, plus qu’à une circonspection inquiète.
Une paisible audace Voilà qui pointe vers l’objectif ambitieux d’une déclaration de foi. Il arrive que notre protestantisme, qui a une vive conscience de sa précarité, s’abrite derrière des formules éprouvées, des figures tutélaires, des épisodes fondateurs, espérant ainsi rendre compte de la foi qu’il a reçue. Si c’est souvent par humilité, ce peut être aussi par paresse. Car répétition n’est pas fidélité. Un témoignage vivant ne se cantonne pas à ce que d’autres ont vécu, il rend compte de ce que le témoin vit. L’Evangile n’invite pas au surplace, mais à se lever et marcher. Il n’est jamais reçu sans être lesté de la parole personnelle, de l’engagement, de l’expérience vive de celle ou de celui qui le transmet. Sans doute est-ce plus vrai encore dans une époque qui se méfie des institutions enseignantes mais qui, pour autant, est avide de paroles authentiques de témoins qui ne se paient pas de mots. Parmi ses diverses fonctions [4] – et toutes sont nécessaires – une déclaration de foi me semble donc avoir aujourd’hui pour tâche première de mobiliser, de nourrir, d’encourager, en un mot : d’autoriser, nos capacités de témoignages personnels et communautaires. Ce travail d’élaboration d’une déclaration de foi prend tout son sens dans la perspective, maintenant proche, de l’année 2017. Cette année-là, il ne s’agira ni de fêter une rupture confessionnelle, conséquence malheureuse de l’ébranlement de pouvoirs de l’époque, ni même de célébrer un fondateur d’Eglise, tout prophétique à certains égards qu’ait été Martin Luther. Mais nous voulons nous inspirer d’un geste qui, dans l’espace public, signifia haut et fort en son temps la grâce et l’exigence de l’Evangile libérateur. Un geste parlant en somme, ou encore une parole en acte, une parole de protestation pour Dieu et de protestation pour l’Homme devant Dieu. S’engager en Eglise dans l’élaboration d’une déclaration de foi, c’est être fidèle à ce mouvement. C’est poursuivre la dynamique de création de l’Eglise protestante unie de France. C’est choisir la confiance pour mieux répondre ensemble à notre vocation de témoins de l’Evangile de Jésus-Christ.
Laurent Schlumberger,
[1] Synode général de l’EELF et Synode national de l’ERF réunis conjointement à Bourg-la-Reine en 2009. Actes du Synode, page 44. [2] Cf. « Jalons pour une Eglise d’attestation », message d’ouverture du Synode général et national de Belfort, 2012. Actes du Synode, page 87. [3] Actes du Synode de Bourg-la-Reine, page 346. [4] Doctrinale, liturgique, missionnaire, œcuménique… Voir l’article 18 d’Andy Buckler |