Le château de Chamerolles

Situé dans le Loiret au nord-est d’Orléans, le château de Chamerolles n’a pas la notoriété monumentale de Chambord ou de Chenonceaux et autres joyaux du Val-de-Loire. Pourtant avec son plan quadrangulaire marqué par les tours et ses douves, il a fière allure avec cette architecture qui rappelle le Moyen Âge tout en sacrifiant à la modernité de la Renaissance.

Vue aérienne du château de Chamerolles © Dominique Chauveau

 

Par Jean Loignon

 

Dans la mémoire protestante, il ne tient pas une place particulière ; pourtant il conserve dans sa chapelle le seul décor d’un lieu de culte protestant du XVIe siècle qui ait subsisté en France.

 

Un décor calviniste

 

Ce témoignage d’exception aurait pu disparaître dans les vicissitudes qu’a connues l’édifice au XXe siècle. Laissé à l’abandon et dans un fort mauvais état, le château fut racheté par le département du Loiret et profondément rénové, en vue de son ouverture au public.

Le décor calviniste retrouvé dans la chapelle © Dominique Chauveau

C’est durant ces travaux qu’on retrouva, dissimulé et finalement protégé par une très catholique toile figurant l’Assomption de la Vierge, un décor très calviniste comprenant le Prologue de la Loi, les Tables du Décalogue, complétés par le Notre-Père et le Symbole des Apôtres réduits à l’état de fragments. C’est à l’expertise du pasteur Paul Lienhardt, membre de la Société de l’histoire du protestantisme français et fin connaisseur de cette époque que l’on doit la résurrection de ce catéchisme mural, selon le principe protestant de la primauté de l’écrit sur l’image. Paul Lienhardt se fera alors l’inlassable défenseur de cette découverte dans les instances de la mémoire protestante, sans pour autant aboutir au musée protestant de ses rêves qui aurait in situ mis en majesté le XVIe siècle protestant.

 

Un protestantisme nobiliaire

 

Mais le château de Chamerolles nous raconte également une autre histoire, celle de ce protestantisme nobiliaire qui fleurit au siècle de la Réforme et joua un rôle majeur dans les Guerres de religion. Au commencement, il y eut un hobereau nommé Bertrand Dulac, qui acquit la seigneurie de Chamerolles vers 1450. Son fils Jean tenta peut-être de compenser des origines roturières par une dissociation syllabique de son nom et par le choix pour son fils du prénom de Lancelot, référence à la chevalerie littéraire de Chrétien de Troyes. Ce Lancelot du Lac 1er participa aux guerres d’Italie du roi Louis XII, qui le récompensa par la charge de chambellan et de gouverneur d’Orléans. De plus un mariage le lia à Louise de Coligny, la tante du futur amiral Gaspard de Coligny, figure maîtresse du parti protestant dont l’assassinat marqua le début de la Saint-Barthélémy en 1572. C‘est donc sans surprise que l’on observe le ralliement au protestantisme de son petit-fils Lancelot II et l’affectation au culte réformé de la chapelle du château avec le décor approprié.

Ces conversions de nobles appliquaient le principe du « cujus regio, ejus religio » (tel prince, telle religion) et entraînaient donc celle des populations qui leur étaient assujetties. Elles ont pu un moment laisser espérer un basculement définitif du royaume de France à la Réforme. Mais dans la mesure où la dynastie finissante des Valois et celle montante des Bourbons avec Henri IV ont fait le choix du catholicisme romain, force est de constater que ce protestantisme nobiliaire s’est rapidement étiolé et a disparu au XVIIe siècle, tombant dans l’oubli à l’image du décor de la chapelle-temple du château de Chamerolles.

 

Pour le découvrir : http://www.chateauchamerolles.fr

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