L’histoire protestante du Clos-Poulet

On mesure mal l’impact des thèses de Luther à travers toute l’Europe mais celles-ci se diffusent rapidement au sein de populations souvent disposées à entendre des voix nouvelles sur le plan religieux. Si toute l’Europe est touchée, il en va donc de même pour la région du Clos-Poulet au nord-ouest de la Bretagne (Saint-Malo et sa proximité).

 

Le donjon du château de Saint-Malo © Wikipedia

Par Hervé Stücker, pasteur

 

Il est probable que les moines de l’abbaye de Cézembre (île en face de Saint-Malo) aient discuté de ces thèses mais, en cette première moitié du XVIe siècle, les idées se diffusent mais les Églises ne sont pas implantées.

 

Plouër, une place centrale du protestantisme

 

Bataille de Jarnac © Wikipédia

Il faut attendre la seconde partie du XVIe siècle pour que des cultes réguliers s’organisent. Ils se situent au château du Plessis-Bertrand (proche de Saint-Coulomb) sous la protection d’un noble local comme en beaucoup de lieux puisque près de la moitié de la noblesse Bretonne a adopté les idées de la Réforme. Il s’agit d’un grand-oncle de celui qui deviendra le plus illustre des malouins, Christophe de Chateaubriand. Le pasteur en est le sieur Mahot. Hélas cette implantation est éphémère car Christophe de Chateaubriand meurt d’un mauvais coup à la bataille de Jarnac (1569) de triste mémoire pour le parti huguenot.

Saint-Malo étant un évêché, il est insupportable que les adeptes de la Réforme puisent s’y installer. Ils en sont chassés à cette époque et, toujours grâce à une protection seigneuriale indispensable, s’établissent à Pouër-sur-Rance. Cette petite ville, proche de Dinan, se trouve idéalement sur un axe nord-sud et est-ouest. Face au coup de butoir du pouvoir royal contre l’Édit de Nantes, Plouër va devenir la place centrale du protestantisme dans la région au XVIIe siècle. Les pasteurs desservant de-là une vaste région. En 1675, le temple de Plouër est détruit sur ordre du parlement de Bretagne sous le prétexte que le seigneur local (de la Moussaye) ne réside pas sur place.

 

Philippe Le Noir, un pasteur expulsé

 

Mais déjà la région malouine est sur une route importante pour le départ des huguenots vers le Refuge. Ils viennent de Bretagne bien sûr, mais surtout du Poitou et des pays de Loire. Tout au long du trajet, ils sont pourchassés par des milices paysannes armées. Ils s’embarquent clandestinement à partir de petits ports naturels de la côte d’Émeraude, comme La houle Causseul à Saint-Jacut.

Les huguenots arrêtés sont emprisonnés dans le donjon du château de Saint-Malo. Les femmes sont recluses dans les couvents de la région, au grand dam des mères supérieures qui se plaignent de leur influence sur les novices. Sur mer, les officier de la « Royale » sont peu enclins à cette « chasse » mais les corsaires rodent.

Il nous faut évoquer ici Philippe Le Noir. Philippe Le Noir est le pasteur de Blain (nord-ouest de Nantes, fief des Rohan) : deux de ses enfants avaient fui au début des années 1680.

La révocation de l’Édit de Nantes l’oblige à quitter le royaume. Sur les quais de Saint-Malo, les commissaires chargés de faire appliquer l’Édit interdisent à sa femme et à ses enfants d’embarquer avec lui car seuls les pasteurs sont expulsés ; épouses et enfants, sujets du roi, doivent rester et se convertir ! Sa femme le rejoindra mais il ne reverra plus ses jeunes enfants…

 

Saint-Servan, une implantation protestante en terre catholique

 

Les descendants de Le Noir joueront un rôle important dans l’histoire des États-Unis : Thomas accompagnera Benjamin Franklin dans son ambassade auprès du roi de France et William sera aide de camp de Georges Washington. Une ville de Caroline du Sud porte le nom de Le Noir.
De 1680 (environ) à la fin du siècle : 10 000 protestants fuient le royaume par la région de Saint-Malo.
La révocation de l’Édit de Nantes marque la fin du protestantisme en Bretagne… pour un temps.
Au cours du XIXe siècle, des riches britanniques profitent du climat de Dinard et importent à nouveau les idées de la Réforme.

Ces britanniques méthodistes ou baptistes (souvent Gallois car le gallois est une langue celte !) vont implanter des Églises à travers la Bretagne. C’est le cas pour Saint-Servan, à proximité de Saint-Malo. Une implantation peu évidente dans une terre très catholique, mais une implantation qui demeure aujourd’hui par le biais de l’Église protestante unie de la Côte d’Émeraude.


  • Les lecteurs qui souhaitent se « plonger » dans l’histoire du protestantisme breton sont invités à consulter le riche, passionnant et incontournable site de Jean-Yves Carluer.
  • Richard Fortat partage ses recherches sur le protestantisme en Côtes d’Armor au XXe siècle sur son blog.
  • Sur le protestantisme en Ille-et-Vilaine au XIXe siècle, lire l’article de H. Cobes de 1963, « Les Églises protestantes en Ille-et-Vilaine au XIXe siècle ».
  • Et aussi, la revue du Carrouge  » Les protestants de Plouër « .

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