DVD
Un film de David Fincher, décembre 2020, sur Netflix.
Il est difficile de n’être pas sensible à la nostalgie qu’exhale le nouveau film de David Fincher, Mank. Cette œuvre d’un des plus célèbres cinéastes contemporains (Seven, Fight Club, Zodiac, Alien 3, the Social Network, les séries House of cards et Mindhunter…) est à découvrir sur Netflix parce qu’aucun grand studio américain n’a voulu de ce scénario du père du réalisateur.
Il y raconte la genèse de Citizen Kane d’Orson Welles, au début des années 40, ponctuée de flash-back sur la carrière de son scénariste, Herman Mankiewicz. Les cinéphiles y retrouveront une montagne de références historiques et artistiques sur Hollywood, les années 30 et le modèle de Kane, le magnat de la presse William Randolph Hearst.
On aurait aimé découvrir en salles ce film brillant et austère à la fois, qui est une déclaration d’amour à la pellicule et au cinéma du siècle dernier : noir et blanc contrasté, utilisation du son mono, de procédés comme la « nuit américaine », de la profondeur de champ dont Welles avait fait sa marque de fabrique, tous ces ingrédients stylistiques sont à l’unisson d’un scénario a priori anti-commercial.
Mais on aurait tort de limiter récit et film à une chronique historique. Ils présentent en creux une brillante réflexion sur les liens entre création et pouvoir, ou encore fiction et réalité… « Mank », antihéros cynique, désabusé, alcoolique, mais d’une générosité touchante avec des émigrés juifs fuyant Hitler, est sublimé par une performance exceptionnelle de Gary Oldman. Les jeux de pouvoir et d’argent autour d’une élection en Californie, où le candidat du peuple est traîné dans la boue par la machine hollywoodienne et les républicains, ne peuvent que faire songer à Donald Trump, avatar contemporain de Hearst.
Mankiewicz, artiste aussi intègre qu’usé par le système, refuse de s’y soumettre. Il y laissera la santé et la vie. Nul doute que Fincher, dans ce « biopic » sur un « biopic », retrouve le reflet de certaines de ses interrogations de créateur. Mais cette histoire vieille de 80 ans devient aujourd’hui le miroir d’un art que le rapport à l’argent d’Hollywood risque de détruire, si les projections en salles disparaissent. À méditer…
Philippe Arnaud