CINÉMA
Un film de Farid Bentoumi.
Sortie le 12 août 2021
Le « rouge » est celui des boues que rejette l’entreprise où Nour (Zita Hanrot, révélée par Fatima de Philippe Faucon) est embauchée comme infirmière de santé au travail. Son père, Slimane, y travaille depuis trente ans, y est délégué du personnel. Elle découvre peu à peu ce qu’on attend d’elle : perpétuer le déni autour de l’état de santé des salariés qui ont été en contact avec les déchets toxiques rejetés par l’usine. Ceux-ci ont longtemps été acheminés vers un lieu qu’on découvre au cours du film : un lac devenu masse de boue rouge et mortifère.
Au fil des découvertes de Nour, le rouge s’insinue dans le film, en même temps que sa quête de vérité tourne à l’obsession. C’est par exemple la couleur de la robe qu’elle porte au mariage de sa sœur, durant lequel elle se dispute violemment avec son père.
Thriller écologique dans sa forme, le film a en effet l’intelligence de donner une importance réelle à un autre enjeu : la relation père/fille. C’est notamment dans ce domaine que Sami Bouajila et Zita Hanrot délivrent tous deux une performance d’acteur remarquable, intense, habitée. Leur conflit n’est pas sans rappeler celui du père et du fils dans Ressources humaines de Laurent Cantet : un père qui a tout donné à son usine, son énergie, sa force, et son enfant qui découvre les compromissions de celui qu’il a toujours admiré. L’intégrité professionnelle de Nour n’est pas compatible avec l’aveuglement (ou le déni) de son père et des employés de l’usine, face à la mise en danger des ouvriers. Pour lui, et pour les élus locaux, seule la sauvegarde de l’emploi compte – même contexte que celui de l’usine de Gardanne, qui rejette ses déchets toxiques dans la Méditerranée depuis des années [même si leurs nature et quantité ne sont plus les mêmes aujourd’hui – ndlr], et qui a inspiré le film.
Sorti sur les écrans la même semaine que le rapport effrayant du GIEC sur le climat, Rouge trouve sa force dans son actualité, son intensité et son rythme soutenu, malgré certains dialogues un peu trop appuyés, qui surlignent parfois le propos porté par le film. Celui-ci pointe avec force des enjeux essentiels pour le monde qui vient.
Philippe Arnaud