Grain de sable
Luc 3.8-18
La parole de Jean-Baptiste invite la foi à porter du fruit. Avant même le message évangélique de Jésus, la sobriété est demandée jusque dans les choix de vie éthiques. La puissance n’est plus dans la force.
Luc est le plus détaillé des évangiles sur Noël et l’avènement de Jésus à son ministère. Avec la figure de Jean-Baptiste, le récit entre ici dans la préparation de cette période ouverte par le baptême au Jourdain.
Le fruit est avant tout personnel
Pour Jean-Baptiste, l’expérience de la foi commence par un appel à la conversion concrète. C’est une nécessité qui permet au croyant de traduire dans un domaine palpable la force de ce qu’il ressent. Comme un ruisseau coule de sa source, le fruit exprime la foi et la rend fertile, il évite la fuite dans l’intellectualité des concepts et ancre la démarche. Le baptême de Jésus ouvrira de cette même manière son ministère.
Ceux qui accueillent Jésus ne sont donc pas forcément les plus instruits ni les plus assidus, mais sont appelés à se tourner vers les autres. Il n’est pas question de se sacrifier, mais de donner un manteau lorsqu’on en possède deux et faire de même avec la nourriture lorsqu’on est à satiété. Vêtement et nourriture sont les deux domaines essentiels pour vivre physiquement et en relation, il importe d’assurer cet essentiel aux autres humains. Cela revient finalement à redonner à chacun une chance de vivre et une dignité personnelle.
S’inscrire dans le monde
Des questions plus spécifiques suivent celles du peuple, pour savoir jusqu’où les marques de la conversion doivent aller. Là encore, les réponses traduisent un souci de l’autre, mais ici sur un plan social. Le collecteur d’impôts ne doit rien prendre d’autre que ce qui est fixé, le soldat ne pas exercer de violence en dehors de ce qui est défini par son salaire. Les deux fonctions visées ici concernent l’État régalien et le cadre de son exercice. La foi ne fait pas fi de l’État mais doit le reconnaître dans le strict cadre de ce qui est nécessaire. Il devient donc hors de question de profiter de sa position pour exiger quoi que ce soit d’autrui, ou exercer une force quelconque. Pour Luc, le pouvoir et la puissance sont totalement indépendants des champs d’action de la foi ; ce thème sera ensuite repris lors de la passion de Jésus.
Une spiritualité concrète
Jean-Baptiste répond ensuite à des questions personnelles, qui ne lui sont d’ailleurs pas formellement posées. L’évangile marque ainsi la capacité de la foi de lire le cœur d’autrui et ses besoins. Il insiste aussi sur la dimension spirituelle des fruits concrets de la conversion en utilisant la métaphore des graines. Pour le croyant, le message est rassurant car le fruit sera récolté pour aller dans le grenier divin, alors que les scories seront éliminées.
Trois conséquences peuvent en ressortir. D’abord le lien doit être fait entre la spiritualité et la vie concrète, le grain est ce qui nourrit l’être comme la foi doit nourrir la vie personnelle. Ensuite, Jean-Baptiste donne l’assurance que ce qui alimente notre vie spirituelle est important jusque dans les moindres détails, l’image étant ici celle du balai qui ramasse le grain jusque dans les moindres recoins. Enfin, pour ce qui concerne les zones plus problématiques de la spiritualité, elles seront éliminées. Sont ici convoquées des associations d’idées que chacun saura traduire dans son existence : fantasmes, velléités, prières d’injonction à Dieu, fausses croyances, fruits au bénéfice de soi-même, etc.
Cette annonce de la venue du Messie se fait donc par une conversion qui touche tous les domaines de la vie, depuis la nourriture jusqu’à l’intimité des pensées, en passant par la relation et l’ancrage dans la société.
Anaïs Bolterre