Le langage inclusif en Église

Jean Loignon, de l’Église protestante unie de Saint-Nazaire et Littoral, nous invite à avoir un regard bienveillant face à un langage qui ne veut exclure personne. 

Oui, je sais, le sujet n’est pas consensuel. Une affiche mentionnant Dieu·e défraie la chronique des paroisses catholiques parisiennes et un court article paru le 30 mars 2022 dans le Protestant de l’Ouest et titré « Démasculiniser Dieu ? » suscite la foudre d’un lecteur bien peu tolérant envers ses collègues de la vénérable Compagnie des pasteurs de Genève…
Prendre du recul peut aider à dépassionner un débat et éviter qu’il s’enkyste en polémique binaire et stérile. Précisément, ma fréquentation de l’Église unie du Canada m’a fait découvrir des pratiques devenues banales et en lien avec les usages de la société québécoise.

Un dynamisme créatif

Rappelons que la francophonie en Amérique du Nord est un îlot cerné par une anglophonie très dominante, ce qui la pousse à faire preuve d’un dynamisme créatif, dont la France pourrait tirer leçon. Cet atout a pu épouser facilement le choix déjà ancien de l’Église unie du Canada de se définir comme « inclusive », non seulement dans ses principes mais aussi dans ses pratiques ecclésiales et cultuelles : en québécois, on dit « faire que les bottines suivent les babines1 » et L’Église unie chemine dans cette voie depuis… 40 ans !
Le chantier est immense car l’inclusivité est avant tout la prise de conscience de l’exclusion qu’ont vécue dans le passé nombre de fidèles, à commencer par les autochtones (Amérindiens), les Noirs, les minorités sexuelles, les handicapés, les femmes… Chaque cas suppose une approche différenciée et la sensibilité féministe pionnière de ce pays a ainsi interpellé les usages perçus comme normaux – y compris par nombre de femmes – dans l’Église, alors qu’ils étaient les héritiers d’un sexisme patriarcal.

Des formulations neutres

Une brochure intitulée « le mot rend justice » (1999 !) pose comme principe qu’une langue où le genre masculin s’affirme comme le porte-parole de tous et de toutes conditionne de façon restrictive le message perçu par les femmes. D’où le choix de nommer systématiquement les deux genres, de féminiser dès que possible les noms de fonctions – pasteure -, d’opter pour des formulations neutres (l’animation plutôt que l’animateur, la présidence plutôt que le président…).
La difficulté se corse quand on arrive à la liturgie, à commencer par la façon de nommer Dieu. On conçoit bien que Dieu est au-delà des différences de genre mais il est formulé au masculin et souvent assorti de termes comme seigneur, souverain, juge, renvoyant à des images masculines. La fameuse formule par laquelle Dieu se présente à Moïse « je suis qui je suis » (Ex 3.14) a été souvent transcrite par « je suis celui qui je suis », le mot souffle (rouah, féminin en hébreu) est neutre en grec (pneuma) et se masculinise en Esprit saint en français.

Et un regard bienveillant

L’usage aujourd’hui ne se veut pas malveillant mais il perpétue une ambiance dans laquelle les femmes peuvent se sentir sinon exclues, au moins peu reconnues. Au-delà de pratiques écrites comme le point médian inaudible à l’oral, c’est tout un travail de qualification de Dieu (de libération, de justice, de compassion…), de recherche et d’usage des images maternelles de Dieu présentes dans les Écritures2 qui peut être mobilisé de façon féconde. On butera cependant sur les cantiques souvent composés à des époques de patriarcat monarchique dominant et que la prosodie empêche de modifier : une incitation à l’écriture de chants nouveaux, à l’instar de ce qui s’est fait depuis des siècles et que préconisait… Luther.

Ces innovations bouleversent les habitudes et elles doivent être évidemment discutées, améliorées… réformées ! Leur but : annoncer la Parole de Dieu au plus grand nombre. C’est dans cette perspective qu’elles méritent un regard bienveillant, à l’image de celui qui nous conduit. Car est-ce une si grande offense à Dieu que de laisser ceux qui en ressentent le désir le prier en disant « Notre Père, notre Mère qui es aux cieux… » ?

Jean Loignon

1 Une fois avoir promis une chose ou avoir vanté sa capacité d’agir, il faut tenir parole
2 On en trouvera sur le site canadien Interbible.

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