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Accompagner une famille en deuil, quel témoignage ?
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Claudie de Turckheim
Récemment, Claudie de Turckheim a accompagné une famille qui avait sollicité la présence d’un membre de l’Église protestante à l’occasion de l’enterrement de leur mère. Quels sont les mots de tous les jours pour témoigner de la grâce, évangéliser ?
Cimetière désert, tombe ouverte, quatre personnes des pompes funèbres et une dizaine pour la famille, masquées. Pourquoi suis-je là ? Aucun des enfants, ni petits-enfants n’est chrétien. La défunte elle-même ne l’était pas, ni son mari décédé. Personne ne sait ce qu’est un culte, un temple. Un pasteur est venu bénir l’union du couple il y a 70 ans et enterrer le mari il y a 20 ans. Voilà l’origine de la demande : faire comme pour le mari.
Trouver les mots justes
S’il est plus facile et plus valorisant de célébrer des obsèques quand on sait que Dieu a compté dans la vie de celui qui est décédé, ou dans celle de l’un ou l’autre des membres de la famille, une telle situation est l’occasion de se poser la question du témoignage, en termes d’évangélisation.
Comment parler de résurrection, de vie éternelle, mais aussi de la grâce de Dieu, du Saint-Esprit ? Chaque concept, chaque terme de la liturgie devrait être expliqué. Faut-il rayer ces paroles qui ont tant de sens pour nous, mais pour nous seuls ? Jusqu’où peut-on aller pour rejoindre les personnes ? Cette question explose au premier mot de la liturgie qui commence par l’annonce de la grâce de Dieu. Est-ce que je ne vais parler que de la paix de Dieu ? Existe-t-il un synonyme de « grâce » : l’amour de Dieu, la bienveillance, la protection, le salut, non ça aussi c’est gros mot ! Décidément, il n’y a pas d’équivalent.
Et offrir une parole
Après réflexion, je me suis dit que si notre Église avait été convoquée pour ce jour de deuil si important pour cette famille, il fallait y trouver un sens autre que l’enterrement d’il y a 20 ans. Pour beaucoup et cela fonctionne pour cette famille, un enterrement est trop sérieux pour ne pas faire appel au sacré et à ses rituels, bien qu’ils ne les connaissent pas. Un peu gênée par cette pensée pas très protestante, je me suis alors rappelée cette définition du sacré du professeur André Gounelle : « Pour le protestantisme, il n’y a pas un domaine du sacré à côté de celui du profane. Tout est profane, mais le profane peut devenir saint (ou être sanctifié). Le croyant n’a pas pour mission de sacraliser une société devenue séculière en y injectant du surnaturel ou en réclamant une place de choix pour le religieux ; mais, il est appelé à la sanctifier, à la mettre au service de Dieu qui ne se distingue pas du service de l’humain (ce qu’indique clairement le « grand commandement » qui identifie l’amour pour Dieu avec l’amour pour le prochain)*. »
Alors, je ne me suis plus souciée des mots. Ce jour-là, la grâce de Dieu a été proclamée, le Saint-Esprit était présent, sans masque. Le Psaume 23 nous a consolés et la prière d’espérance nous a relevés. Les paroles choisies étaient compréhensibles mais sans concession. Quelle graine a pu germer dans le cœur des personnes présentes ? Ces mots les aideront-ils à rebondir ? L’un ou l’autre aura-t-il envie de prier ou d’entrer dans une église ?
Derrière ces masques qui ne me permettaient que de voir les regards, aucune émotion ne pouvait transparaître, si ce n’est quelques larmes. Est-ce cela, évangéliser ? Offrir une parole et faire confiance à l’Esprit de Dieu.
* André Gounelle, dans M. Bertrand (éd.), Les protestants 500 ans après la Réforme, Olivétan et Fédération Protestante de France, 2017