Église du Pakistan, le cadeau d’un nom

Au Pakistan, les Églises chrétiennes ont reçu pour la première fois un nom indépendant des connotations péjoratives habituelles. Elles sont devenues le peuple du Messie. La voie vers une reconnaissance sociale totale est ouverte.

© Agence Fides

 

Par David Steinwell, Paroles protestantes Paris

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La guerre des mots est une constante pour entraîner une société à rejeter ou adopter une idée. En France, les protestants ont très tôt été désignés sous le vocable de « parpaillot », dont on ignore la provenance exacte. Qu’il s’agisse d’une étymologie issue de « papillonner », ou d’un amalgame avec le renégat du catholicisme Parpaille, le terme était une insulte. Peu à peu l’Église a su la reprendre à son profit pour le rendre familier et sympathique.

 

Au Pakistan, le christianisme en souffrance

 

Sur le territoire indien de l’actuel Pakistan, le christianisme est présent depuis des siècles, bien que très minoritaire. Les mouvements chrétiens d’évangélisation du XIXe siècle ont eu un succès notoire, mais principalement dans certaines classes de la population, souvent de condition très modeste, qui ont été sensibles aux valeurs de dignité humaine et de libération spirituelle.
De ce fait, le christianisme a majoritairement été associé aux castes inférieures de la société traditionnelle. Même si la création de l’État pakistanais en 1947 par la partition des Indes revendiquait une ouverture spirituelle à la diversité religieuse, le pays a rassemblé une grande majorité de musulmans indiens, jusqu’à 95 % de la population totale. Le système de castes a été aboli en tant que tel, mais demeure dans les esprits et les chrétiens aujourd’hui méprisés et statistiquement peu instruits, sont donc considérés comme dignes de s’occuper des plus basses besognes. L’appellation initiale de chrétien a rapidement été remplacée dans la population musulmane par celle d’Isai, qui reprend négativement le nom de Jésus sous forme de moquerie ; un peu comme si l’État français traitait officiellement les chrétiens de jésudolâtres ou d’ivrognes panivores en allusion à la Cène. L’islam étant religion d’État, l’administration pakistanaise inscrivait ces termes dans tous les papiers officiels, jusqu’aux cartes d’identité.

 

Discrimination positive

 

Dans les années 1990 est né un mouvement social soutenu par les ONG présentes dans le pays pour considérer les chrétiens avec plus de respect. Il a favorisé l’utilisation du terme Masihi, qui évoque le peuple du Messie, infiniment plus respectable aux yeux de la population car il évoque une recherche messianique commune à certaines branches de l’islam, donc une légitime fraternité. Les métiers réservés, l’absence d’études ont peu à peu reculé avec les programmes contre l’illettrisme.

La Cour suprême du Pakistan vient d’autoriser, avec l’aval du Conseil de l’idéologie islamique, l’emploi de cette désignation de Masihi pour les chrétiens et l’a même reconnu préférable. La loi est promulguée pour l’instant envers les membres des Églises d’une seule province, mais pourrait être élargie à d’autres rapidement. Il est donc demandé aux administrations publiques de changer le nom officiel sur les actes administratifs et à l’ensemble de la population de prendre la nouvelle dénomination.

 

Reconnaissance chrétienne

 

Le fait que le Conseil de l’idéologie islamique ait été consulté et que cette décision soit soumise à son approbation est normal compte tenu de l’organisation du pays. En revanche l’acceptation est exceptionnelle. Elle montre combien le Pakistan souhaite en ce moment tenir compte des diverses minorités qui le composent et travaille à la reconnaissance d’une légitimité des classes sociales les plus basses héritées de la période des castes. Un geste également rendu possible par la non-concurrence des chrétiens et des musulmans dans le pays.

 

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