Entre Babel et Pentecôte

Longtemps, l’antagonisme franco-anglais a été le marqueur problématique de l’identité canadienne. Ce conflit entre « les deux solitudes1 » a paru se résorber par la fin du séparatisme québécois et l’adoption d’un bilinguisme officiel dans les institutions fédérales du Canada.

© EUC

 

Par Jean Loignon, porte-parole pour la France de la Table des ministères en français

 

La réalité vécue est sensiblement différente, avec onze provinces unilingues en anglais, une unilingue en français (le Québec), une bilingue (le Nouveau-Brunswick) et une défense virulente des langues en situation minoritaire, lesquelles ne se résument pas au seul français.

 

L’Église unie du Canada (EUC) a été confrontée dès sa naissance à cette question éminemment sensible. Si le protestantisme, dit « huguenot », de la Nouvelle-France avait été éradiqué par l’exclusivisme de l’Église catholique, un travail missionnaire protestant au xixe siècle s’était attaqué au bastion catholique québécois et avait donné quelques fruits, malgré le lien charnel noué entre l’Église catholique et l’identité canadienne-française. Pour la mince frange qui faisait le choix d’une confession jugée hérétique voire diabolique, c’était ajouter à la situation de minorité francophone une exclusion sociale jugée comme une trahison. Pourtant, la plupart des paroisses protestantes francophones rejoignirent l’Église unie du Canada en 1925 avec l’espoir d’un nouvel élan missionnaire dans leur langue maternelle. Espoir déçu, car la nouvelle Église, très anglophone à l’échelle du Canada, n’estima pas cette composante comme prioritaire, d’autant plus que, par nécessité éducative ou professionnelle, les francophones étaient pour la plupart bilingues…

 

C’est dans les années 1970-1980 que la question est réapparue, poussant l’Église unie à une réflexion plus poussée sur la diversité canadienne. Face à la crise séparatiste, le réseau francophone de l’EUC a su jouer un rôle de pont pour rétablir une compréhension mutuelle entre « anglos » et « francos ». La reconnaissance actuelle d’un multiculturalisme comme identité canadienne conduit l’Église à revoir ses rapports souvent douloureux avec les communautés autochtones, dont certaines sont francophones. De même, l’apport d’une immigration africaine francophone protestante (notamment camerounaise) apporte un sang neuf à des communautés vieillissantes. Et dans ce parti résolu d’une inclusivité pionnière vers d’autres minorités, notamment LGBTQI+, l’EUC sème des graines en français « qui germent et poussent sans qu’elle sache comment » (Mc 4, 27)… ni quand ?

¹ Selon l’expression de l’écrivain québécois anglophone H. McLennan.

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