Noël à Prague

La République tchèque est le pays le plus athée d’Europe : seuls 45 % des habitants se déclarent croyants, dont 4 % se disent protestants. Malgré tout, les habitants restent très attachés aux traditions de Noël.

D’un Jésus à l’autre

Par Chloë Money, Journal Ensemble

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À Noël, les rues regorgent de vendeurs de sandwichs, vin chaud et pâtisseries dont les noms mettent à l’épreuve notre appareil phonatoire latin © Agorastos / Unsplash

Lorsque je travaillais à Prague, j’ai passé mon premier Noël tchèque avec mon amie Lucie (prononcer « Loutsié ») et sa compagne Barbora. Elles sont athées, et Noël est surtout l’occasion de passer du temps en famille. Les Tchèques disposent pour cela de trois jours fériés, du 24 au 26 décembre.

 

L’enfant Jésus de Prague

 

Le 24, je me rends chez Lucie et Barbora pour préparer la vánočka, la brioche tressée de Noël aux raisins et aux amandes. C’est Barbora qui s’y attelle pendant que Lucie me montre la crèche qu’elle a réalisée elle-même, parce que « Noël n’est pas fait pour consommer » et parce que l’occasion est trop belle, pour cette amatrice d’art contemporain, d’exprimer sa créativité. La crèche affiche un syncrétisme étonnant. L’enfant Jésus a été remplacé par une reproduction de la banane que l’artiste américain Andy Warhol a dessiné pour la pochette du premier disque du groupe de rock Velvet Underground.


Pendant que la pâte de la vánočka repose, nous partons déambuler dans les rues de Prague pour apprécier les lumières. C’est ce que Lucie et Barbora font lorsqu’elles ont des invités. Quand elles n’en ont pas, elles restent avec les membres de leur association et préparent à manger pour les personnes défavorisées, ce qui me donne un sentiment de culpabilité que Lucie balaie d’un éclat de rire. Elles s’investissent beaucoup pour les plus démunis, et pas seulement au moment de Noël.


Sous une neige paisible, nous arrivons devant l’église Sainte-Marie-de-la-Victoire – dédiée à la victoire des armées impériales catholiques sur les troupes qui luttaient pour défendre la Réforme en Bohême – où une chorale d’enfants entonne des chants de Noël. Lucie veut me montrer « L’enfant Jésus de Prague », une statuette de cire offerte par la princesse Polyxena von Lobkowicz aux carmélites qui se trouvaient dans une grande détresse. La statuette a très vite acquis la réputation de faire advenir des miracles, et elle attire de très nombreux pèlerins chaque année. Cette foule exaspère Lucie, pour qui cette idolâtrie relève avant tout d’un matérialisme exaspérant.

 

La carpe, le plat traditionnel

 

Nous quittons donc l’église et reprenons le chemin de la maison, où le frère de Lucie nous attend. Nous mettons au four la vánočka et nous tartinons les blinis de préparations très colorées, du vert fluo au violet foncé.
Ce n’est évidemment pas le dîner tchèque traditionnel, car ici, le plat de Noël, c’est la carpe. Une abondance de ruisseaux, rivières et étangs irriguent un amour immodéré de la pêche chez les Tchèques, du moins les ruraux. Selon la tradition, on achète la carpe quelques jours avant le 24 et on la laisse barboter dans la baignoire avant qu’elle ne serve de dîner, préparée en escalopes pannées accompagnées d’une salade de pommes de terre. La tradition n’est guère plus observée aujourd’hui, et d’ailleurs, de moins en moins de Tchèques disposent d’une baignoire. Il est toujours possible d’en acheter auprès des vendeurs occasionnels en ville. Les plats du 24 décembre entretiennent la tradition religieuse selon laquelle il faut jeûner ou du moins ne pas manger de viande avant le jour de Noël.
Aux alentours de minuit, Lucie et Barbora se mettent à la fenêtre. Bon nombre de leurs voisins font fait de même, et chacun lève son verre en se souhaitant veselé vánoce (joyeux Noël).

 

 

La vánočka

 

© Jakub Holzer – Wikimedia Commons

La tradition de cette brioche tressée de Noël remonte au XVIe siècle. La recette n’a quasiment pas varié depuis. Dans les campagnes, la vánočka a été associée à plusieurs croyances : par exemple, une brioche bien réussie présageait d’une bonne fortune l’année suivante, et en donner un peu aux animaux les fortifiait. Ce gâteau était exclusivement l’œuvre des femmes, qui devaient la préparer vêtues d’un tablier blanc, en gardant le silence durant toute la phase de préparation, puis en sautant sur place durant la levée de la pâte. Vous l’avez compris, c’est un moyen d’allier sport et gourmandise !

 

Ingrédients pour 8 personnes

 

750g de farine

1 cuillère à soupe de levure de boulanger

120g de beurre

25cl de lait

10 cuillères à soupe de sucre

2 œufs

1 zeste de citron

3 cuillères à soupe de raisins secs

6 cuillères à soupe d’amandes effilées 

 

Recette

 

Hydratez la levure de boulanger en la mélangeant à une cuillère à soupe d’eau tiède dans un saladier. Ajoutez-y le lait tiédi et le jaune d’œuf. Mélangez. Incorporez le beurre que vous aurez laissé ramollir, le sucre et une pincée de sel. Mélangez bien. Ajoutez ensuite la farine, et pétrissez le mélange à la main environ 15 minutes pour obtenir une boule compacte. Ajoutez les raisins secs, le zeste de citron râpé et les amandes. Pétrissez à nouveau pour bien les incorporer. Couvrez le saladier avec un linge et laissez la pâte lever pendant une heure. Elle doit doubler de volume.

 

Divisez-la ensuite en six boules : chacune vous permettra de former des bandes d’environ 40 cm de long. Sur une plaque de cuisson recouverte de papier sulfurisé, formez deux tresses. Couvrez-les d’un linge, et laissez-les lever encore une heure. Avec un pinceau, vous pouvez les badigeonner d’un œuf battu pour qu’elles soient dorées. 

Mettez-les au four (préchauffé à 200°C) pendant 15 minutes, puis baissez la température à 180°C et laissez-les cuire 30 minutes.

Vous pouvez les décorer avec du sucre glace, ou ce que vous préférez.

 

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