Une randonnée au pays de la poésie protestante

L’association culturelle de l’Église protestante unie de Touraine a organisé mi-janvier un voyage poétique autour des liens entre protestantisme et poésie française.

 

Par Marie-Anne Chenerie, Église protestante unie de Touraine

 

Louisa Siefert © Domaine public

Pierre-Yves Bourcy, avec l’aide la voix de Marie-Laure Bourcy-Flabeau pour certains poèmes, s’est appuyé sur l’Anthologie protestante de la poésie française (Labor et Fides, Genève, novembre 2020) de Philippe François, qui explore les rapports entre poètes de langue française et religion réformée.

 

Des poètes protestants clairement identifiés…

 

Au XVIe siècle, les poètes protestants sont clairement identifiés. Nous y trouvons évidemment Clément Marot, Agrippa d’Aubigné et ses Tragiques, mais aussi Guillaume du Bartas et sa Semaine, version versifiée de la Genèse, et, bien sûr, Théodore de Bèze.

Une mention toute particulière pour le personnage et l’œuvre de Clément Marot qui ouvre cette anthologie : il est le premier auteur du Psautier Huguenot, terminé par Théodore de Bèze, par lequel Jean Calvin souhaitait que l’ensemble de l’assistance puisse participer au chant pendant le culte religieux. La poésie de Marot, à la fois légère, caustique et grave, nous touche tout particulièrement par ses mots simples, comme dans son Notre Père versifié :

 

« A ce jourd’huy sois nous tant debonnaire

De nous donner nostre pain ordinaire ;

Pardonne nous les maulx vers toi commis,

Comme faisons à tous nos Ennemys .

Et ne permectz en ce bas territoire

 Tentation avoir sur nous victoire :

Mais du Maling cauteleux et subtil

Delivre nous. O père ainsi soit il. »

Clément Marot (1496-1544) Notre Père – Extrait

 

On peut également citer : Laurent Drelincourt et ses sermons, transformés en sonnets ; plus récemment, Louisa Siefert, 1845 – 1877, poétesse délicate et mélancolique, animée d’une foi profonde, cristallisée dans le dernier vers de son poème Souvenir d’enfance (Rayons perdus, 1868) : « Ma foi reste debout et défiera l’orage ».

 

Des poètes suisses, comme Philippe Jaccottet, complètent cette chronologie, ou bien le Bordelais Jacques Ellul (1912 – 1994), dont le recueil poétique Silences (1995) donne un éclairage nouveau sur l’auteur.

 

Et aussi des textes antiprotestants

 

Mais – et ici l’ouvrage de Philippe François prend toute sa dimension – l’auteur élargit le sujet aux poètes non protestants qui ont un lien avec le protestantisme, en présentant des textes antiprotestants (de Ronsard à Verlaine), ou encore « neutres », comme ceux de Victor Hugo. Philippe François va jusqu’à dire que l’on trouve des traces de protestantisme chez tous les grands auteurs. Pourquoi cet assemblage, et pourquoi citer des écrits résolument antiprotestants ? « Parce que, en dehors du fait qu’il s’agit souvent de très beaux textes, on apprend aussi de ses opposants », dit l’auteur de cette anthologie. C’est une cohabitation parfois inattendue, parfois drôle (Boris Vian et son texte sur Albert Schweitzer), souvent émouvante, tragique et mystique avec Blaise Cendrars, né dans une famille protestante :

« J’ai peur, – et je suis triste, Seigneur, d’être si triste ». Blaise Cendrars, Les Pâques à New York, 1912.

 

Cette conférence a illustré la richesse et la variété de la poésie protestante et peut, au-delà du plaisir de partager ces textes, nous amener à poser la question d’un lien plus profond entre poésie et protestantisme, ou encore entre poésie et protestation, comme l’a été la protestation fondatrice de Luther, puis de Calvin.

 

Contact