Par Anne-Marie Balenbois
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Tout d’abord écartons le débat théologique : chez les protestants il n’y a pas de justification à souffrir du froid (ou de tout autre chose) et d’offrir cette souffrance en offrande pour en obtenir un quelconque mérite. Sans s’amollir dans les délices de Capoue, un minimum de confort est requis pour être capable de se concentrer sur le déroulement du culte. Pourquoi serait-on moins bien installé dans un temple que dans une salle de spectacle ou un théâtre ?
Un peu d’histoire
Autrefois ni les églises ni les temples n’étaient chauffés et les fidèles, plus habitués que nous au froid, supportaient sans broncher les heures du culte (entre deux et trois) que les pasteurs ne songeaient pas à écourter. Seuls les petits édifices étaient parfois dotés de poêles à bois ou plus tard à charbon.
Comment faisait-on ? D’abord les gens apportaient des couvertures ou des chaufferettes, les hommes en bonnets ou chapeaux ne se découvraient qu’au moment des prières. Certains temples installaient des sortes de compartiments entre les bancs (comme en Angleterre) pour bloquer les courants d’air, voire carrément construisaient de petites loges individuelles (comme en Allemagne) où en hiver, les plus riches pouvaient réserver ces espaces protégés des courants d’air et apporter des chaufferettes. Pas très égalitaire…. Au Nord-Est américain où l’hiver peut être glacial, la buée se créant au moindre souffle était le signe dénonçant des chuchotements intempestifs entre les jeunes gens. Le froid comme allié de la police des mœurs, il fallait y penser…
Aujourd’hui où les exigences de confort sont plus grandes, l’habitude est souvent conservée de garder son manteau sur le dos. Cela n’est pas forcément satisfaisant pour le pasteur qui peut ainsi avoir l’impression que ses paroissiens sont prêts à détaler à tout moment au lieu d’être bien installés pour entendre la Parole.
Les solutions aujourd’hui
Dans les grands édifices, chauffer est un vrai défi. Si ce ne sont pas les finances publiques mais la paroisse qui doit trouver la solution, les difficultés commencent. Radiateurs, barres de chaleur, chauffage à circulation d’air, tous présentent des inconvénients, soit esthétiques, soit sonores (bruits de soufflerie, traînées noires sur les murs, gêne visuelle…). Le chauffage au sol, plus intéressant car silencieux et discret, diffuse une chaleur agréable. En revanche il est plus coûteux à installer et est réservé aux paroisses dont les finances sont prospères. Ce poste est aussi un marqueur de priorité : quelle dépense est la plus urgente, celle qui concerne l’orgue, les vitraux, les cloches ou le confort des paroissiens ?
À une époque où les coûts de l’énergie s’envolent pour atteindre des sommets, la complainte des trésoriers se fait plus particulièrement entendre. Quand le temple n’ouvre que le dimanche, on met en route le chauffage le matin même, pour un espace qui commence tout juste à tiédir au moment de la sortie. Commencer à chauffer la veille aurait pour conséquence une dépense évidemment beaucoup plus importante.
Reste une solution, qui était peut-être aussi celle de nos ancêtres : remplir le temple de fond en comble avec les paroissiens bien serrés les uns contre les autres. Notre Église serait ravie, le pasteur charmé de rassembler un public dense et l’ambiance se réchaufferait d’autant, selon l’antique précepte « chaleur humaine, chaleur pas chère ».