Plus vite, plus haut, plus fort… Mais jusqu’où ? *

Les JO 2024 à Paris se préparent, la dernière ligne droite se profile devant nous. Vu le prix des billets, des logements, c’est surtout devant les écrans que vont se vivre ces Jeux, par procuration. Mais quelles valeurs véhicule aujourd’hui le sport qui, a-t-on l’habitude de dire, est le reflet de la société 

 

Par Nicole Roulland-Rupp, magazine Réveil

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© Philippa Rose-Tite/Unsplash

Qui, enfant faisant du sport, n’a pas entendu après une défaite : « L’important c’est de participer » de la part de parents consolateurs ou, devenu adulte, dans la bouche d’adversaires moqueurs ?

 

Porosité entre sport et société

 

Attribuée à tort à Pierre de Coubertin, cette antienne a été prononcée par l’évêque de Pennsylvanie à l’occasion des Jeux olympiques de Londres en 1908. Pierre de Coubertin l’a sublimée : « L’important dans la vie, ce n’est point le triomphe, mais le combat, ce n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu. » Une déclaration qui n’est pas sans rappeler ce verset de la 1re épître à Timothée : « Mène le beau combat de la foi. » (1 Timothée 6.12).

 

Ce qui se vit au sein des épreuves sportives s’étend ainsi dans la vie entière. Les valeurs véhiculées par le sport n’y sont pas cloisonnées et des dérives s’y opèrent, elles concernent toute la société, car le sport en est le reflet, pâle ou lumineux.

 

Le sport, à travers l’histoire, a permis de canaliser des appétences belliqueuses ou, comme le scoutisme, d’occuper des jeunes désœuvrés, risquant de tomber dans la délinquance, en propageant des valeurs positives.

 

André Comte-Sponville liste ces valeurs de façon non exhaustive : goût de l’effort, persévérance, honnêteté, humilité, ambition, émulation, courage, respect de l’autre, fair-play, esprit d’équipe.

 

Des valeurs malmenées

 

Ces valeurs sont-elles réellement vécues et partagées dans le milieu du sport ? Lorsqu’on voit un footballeur s’effondrer et simuler une grosse blessure pour escompter un carton jaune ou rouge pour son adversaire ; des corps déformés et rendus malades par la prise de produits dopants ou par la maltraitance auto-infligée pour atteindre un idéal inatteignable ; des supporters insultant à tout-va en tenant des propos homophobes, racistes, sexistes, allant jusqu’à frapper des arbitres… Où se situent le respect des autres et de soi, le fair-play, l’honnêteté ? Le sport amateur est également touché par cela, les modèles professionnels, surmédiatisés, incitant à ce genre de comportements déviants.

 

On peut se dire que les valeurs du sport, telles qu’imaginées, sont bafouées. Sont-elles bafouées plus qu’hier ou tout simplement les langues se délient pour dénoncer ces abus, ces excès, ces délits ?

 

Les valeurs édificatrices du sport sont malmenées par le sport spectacle, le sport business, par le toujours plus, comme si aucune limite n’existait. Il faut augmenter ses capacités en tous sens : « Plus vite, plus haut, plus fort », parfois jusqu’à la mort.

 

Le dépassement de soi, l’ambition pour de meilleurs performances, le goût de l’effort sont de bonnes choses, sur le terrain et dans la vie, mais à quel prix ? C’est parfois l’écrasement qui en découle : de soi par les blessures ; des autres dans la lutte ; des valeurs et de toute humanité pour arriver à ses fins. Effectivement, le sport est un reflet de la société déshumanisée actuelle, où l’autre n’a que peu de valeur et est interchangeable : la société du jetable à tous les niveaux.

 

De l’importance du jeu

 

Après le « plus vite, plus haut, plus fort », voici un autre slogan qui fait un retour dans les mentalités : « Un esprit sain dans un corps sain ». Presque 2 000 ans après sa formulation par Juvénal, poète romain, il nous interpelle pour nous remettre les pieds sur terre. Et peut-être est-ce le sens, le but du sport qu’il nous invite également à interroger.

 

Edgar Morin, à la suite de l’historien protestant Johan Huizinga, rappelle à quel point l’être humain est un homo ludens, pour lequel le jeu est important, qui s’épanouit également dans l’acte de jouer. Le jeu en tant qu’il est et demeure superflu, non essentiel à la vie, même si par le jeu, beaucoup de composantes de la société peuvent se construire ; le jeu en tant qu’il est une action libre et non imposée ; le jeu en tant qu’amusement ; le jeu en tant que parenthèse définie dans la vie.

 

Et c’est peut-être là que la dérive a eu lieu : le jeu est devenu trop sérieux, et quand le sérieux prend toute la place, il exclut le jeu ; le jeu est devenu essentiel à la vie (pour les professionnels, cela va sans dire, mais également pour les amateurs qui ont centré leur vie sur ce jeu devenu vital).

 

Redonner au sport son caractère de jeu est peut-être une solution pour sortir de ses excès.

 

* Cet article fait partie du dossier Les protestants et le sport proposé par la Presse régionale protestante.

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