Les crèches de la Légion

Les crèches sont très sérieusement examinées pour le concours. Diverses et originales, elles racontent toujours un peu d’histoire de la Légion autour du Christ et de la sainte famille (dans le coffre au milieu) © Tom Blomqvist/Armée de terre/Défense

Unité d’élite de l’armée française, la Légion étrangère est composée à 90 % d’étrangers, qui se trouvent par définition loin de leurs foyers. La fête de Noël prend une dimension particulière, majeure dans leur calendrier.

La Légion demande beaucoup à ses hommes, d’un entraînement très exigeant jusqu’au sacrifice de leur vie si nécessaire. En retour, elle offre une nouvelle famille à ceux qui ont tout quitté pour la rejoindre. C’est spécialement frappant au moment de Noël, une fête vécue comme peut-être nulle part ailleurs.

Force des traditions

Que ce soit au quartier Général de la Légion à Aubagne ou dans le poste le plus éloigné en Opex (opérations extérieures), les légionnaires fêtent Noël du mieux possible, avec leurs officiers et leurs aumôniers. Ils ne sont pas tous chrétiens mais peu importe : Noël est leur fête, celle qui rassemble tous les hommes et rien qu’eux (aucune personne extérieure). Ils la célèbrent avec de nombreux événements, un challenge sportif, une messe…

Au centre de tout : le concours de crèches et la veillée, qui se termine tard avec un menu très soigné. Plusieurs semaines avant Noël, chaque compagnie choisit le groupe d’hommes qui aura pour mission de créer cette crèche et d’imaginer la scénographie qui l’entoure. Dans leurs vies antérieures, certains étaient artistes, ingénieurs, écrivains, architectes… c’est le moment de faire appel à ces talents si variés.

Famille choisie

Le pasteur Thierry Mathieu a commencé son ministère à la Légion en 2005. Il a donc passé tous ses réveillons de Noël depuis cette date avec les légionnaires, que ce soit en France ou ailleurs. La soirée se passe dans une très grande chaleur humaine avec de multiples animations, et comme point d’orgue la présentation des crèches, qui sont jugées selon des critères précis : respect du thème, qualité du commentaire, réalisation technique, mise en scène, lien fait entre la fête et la Légion, enfin la manière dont le jury est accueilli. Celui-ci est constitué par l’officier présent le plus élevé en grade, des cadres officiers et sous-officiers, les aumôniers et le plus jeune légionnaire : c’est un jugement rendu au nom de tous, avec comme prix une somme à partager au sein de la compagnie, mais surtout un grand honneur.

Thierry Mathieu souligne que même après toutes ces années, il reste toujours ému et surpris par la grande ingéniosité et le cœur mis dans la réalisation de ces crèches et de leur mise en scène. Un de ses souvenirs les plus forts fut une crèche réalisée au centre d’entraînement du 3e REI (Régiment étranger d’infanterie) au fin fond de la Guyane avec des matériaux uniquement issus de la jungle, les santons en bois sculptés, des pierres, des feuilles tressées… Dans un tout autre genre, au retour d’une opération Vigipirate à Paris, les légionnaires avaient reconstitué une chambrée avec des personnages qui font état de leur baisse de moral jusqu’au moment où la crèche est dévoilée. L’ensemble était soutenu par de la musique (si importante à la Légion) et des paysages qui défilaient à l’arrière-plan, avec toute une scénographie.

Il suffit de quelques hommes pour vivre et faire vivre ces moments rares. Si Camerone est la fête de la Légion, Noël est celle des légionnaires. L’histoire de la Nativité renvoie à la famille d’origine avec ce pincement au cœur teinté de nostalgie qu’ils peuvent ressentir ce jour-là. C’est dans l’unité et la cohésion qu’ils recréent une nouvelle famille, celle qu’ils se sont choisie. Peu importe alors les confessions religieuses des uns et des autres. N’est-ce pas cela, aussi, un des messages de Noël ?

Anne-Marie Balenbois

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