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Joseph et la filiation d’espérance
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Les évangiles parlent peu de Joseph, pourtant sa présence est importante pour comprendre Noël. Sa généalogie, ses rêves et sa protection de l’enfant en font une figure de la foi.
C’est l’homme des mystères. L’évangile de Luc le fait vivre à Nazareth, celui de Matthieu le signale habitant Bethléem. Matthieu et Luc ne citent pas la même généalogie. De lui, on ne sait donc pas grand-chose, si ce n’est son acceptation de suivre les paroles des anges concernant la grossesse de Marie et la fuite en Égypte.
Joseph protecteur
Les théologiens se perdent donc en conjectures sur la vie de Joseph, dont les évangiles parlent peu. Son rôle en revanche est clair, à travers les deux songes qui lui sont accordés. Tous deux sont orientés vers la protection de l’enfant, d’abord pour accueillir la mère enceinte et ne pas la répudier, puis pour fuir en Égypte et éviter le massacre du roi Hérode. La fonction de protection est centrale dans un temps où la femme sans homme n’existe pas socialement.
La lignée de la promesse
Dès le début du christianisme, des textes circulaient dans les communautés chrétiennes, avant même que les versions finales des évangiles ne soient terminées. Si Matthieu et Luc sont lus dans les mêmes Églises sans être d’accord sur la filiation de Joseph, cela montre combien tous deux s’accordent sur l’importance d’une généalogie, quelle qu’elle soit. Car pour l’Église primitive souvent issue du judaïsme, le problème posé par une grossesse issue de l’Esprit saint, c’est bien la généalogie. Or si l’appartenance à la judéité est traditionnellement transmise par les femmes, la lignée de la promesse et de la bénédiction est transmise par les hommes. La filiation est donc primordiale pour faire partie de la bénédiction de Dieu, annoncée de génération en génération. On ne sait pas grand-chose de Joseph, sauf qu’il a accepté et endossé le statut du père, lui qui était de la lignée d’Abraham et de David.
Joseph n’est pas un héros
Dans les évangiles qui racontent et mettent en scène la naissance, Marie montre l’acceptation de la Parole, la joie d’être aimée de Dieu, l’enfantement d’une espérance. Concernant Joseph, les textes insistent sur un rôle bien différent. Par deux fois, les anges viennent soutenir Joseph. D’abord dans ses tribulations, au moment où il envisage de répudier celle qui lui est promise. L’envoyé de Dieu lui demande alors de ne pas avoir peur de la prendre pour femme. Puis dans le second rêve, la demande est de fuir de chez lui avec femme et enfant. Vaincre la peur, obéir à un ordre de fuite, cela ne paraît pas très héroïque pour celui qui adopte Jésus.
Une autre figure du chrétien
Dans le comportement de Joseph, il n’y a aucune différence entre le message qu’il reçoit et l’action qu’il réalise. De ce fait, le croyant peut déduire que sa propre mission n’est pas de rechercher une foi héroïque, mais de se conformer à l’assurance qu’il reçoit afin de trouver une cohérence pour sa vie. Ce réalisme simple permet à Joseph, à la suite du premier rêve, de s’affranchir de la peur des convenances ou des lois morales de son temps pour vivre ce qu’il sent être bon pour lui. Avec le second rêve, l’action de fuir consiste plutôt à respecter la conviction reçue indépendamment de l’idée de grandeur que l’on pourrait se faire de Dieu. Dans les deux cas, la vocation de Joseph aura été de se déprendre des images toutes faites, tant sociales que divines.
À ce titre, le rôle de Joseph dans les évangiles préfigure une mission du croyant centrée sur le travail nécessaire au respect de la Parole vécue, plus que sur des idéaux de divinité fantasmés.
David Steinwell