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Le rêve de Jacob (Genèse 28.10-22)
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Grain de sable
Dans ce récit, Jacob rêve, comme rêve de nombreux personnages de la Bible… Voici quatre angles d’attaque, quatre manières de lire cet évènement.
Le temps
Le premier angle est le temps. Ce rêve de Jacob a lieu à un moment bien particulier de sa vie. Il est en fuite, parce que son frère jumeau, Esaü, cherche à le tuer. Avec la complicité de sa mère, Rébecca, Jacob a en effet usurpé la bénédiction de son père, Isaac, et acheté son droit d’aînesse à Esaü… C’est donc au cœur même de la crise que survient ce rêve. Et dans le parcours qui est le sien, il marquera un véritable tournant : il y aura un avant et un après.
Des lieux
Le second angle d’attaque est celui des lieux, de la géographie du récit. Jacob est en route pour Harrân, où habite Laban, le frère de Rébecca. Harrân, c’est une ville de Mésopotamie du nord, à près de 1000 km de Béer Shéva, où réside la famille d’Isaac. Et pas n’importe quelle ville : c’est de là qu’est parti Abram lorsque le Seigneur l’a appelé. Jacob fait le trajet inverse à celui de son ancêtre : il quitte la terre promise, il retourne en arrière. Et l’on comprend qu’il y a là un danger, danger de perdre le cap, danger d’oublier la promesse, danger de perdre de vue le Dieu de ses pères.
Mais ce n’est pas tout : le lieu même où Jacob se couche pour passer la nuit, le lieu du songe, a de l’importance : « Il fut surpris en un lieu où il passa la nuit », nous dit le texte. Ce lieu, en apparence anodin, se révèle être celui de la présence même de Dieu, et l’échelle que voit Jacob en rêve dit bien cette communication étonnante entre le ciel et la terre. Mais il y a plus encore : le mot « lieu », « Maqom » en hébreu, revient six fois dans le texte. Ce mot désigne souvent dans le récit biblique le Temple de Jérusalem, le lieu par excellence. Mais le « lieu » est aussi, pour le judaïsme, l’un des noms de Dieu. Jacob, à son réveil, ne s’y trompe pas, puisqu’il s’écrie : « Vraiment, c’est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas ». Il donnera même un nom à ce lieu : « Béthel », ce qui veut dire « Maison de Dieu ».
Une rencontre
Voilà qui nous conduit tout naturellement à un troisième angle d’attaque : le songe de Jacob est en réalité une rencontre. Jamais encore le Seigneur ne s’est manifesté à Jacob. Et comme il est apparu à Abraham, comme il s’est révélé à Isaac, il vient maintenant le visiter. La rencontre avec le Dieu vivant n’est pas un héritage transmis de génération en génération ; non, chacun doit en faire l’expérience, et rien ne remplace cette révélation que l’on doit à la seule grâce. À compter de cette nuit-là, tout sera différent pour Jacob, tout sera éclairé d’une lumière nouvelle.
Une promesse
Enfin, et c’est le quatrième angle d’attaque, le songe de Jacob est aussi une formidable promesse. « La terre sur laquelle tu couches, dit le Seigneur, je la donnerai à toi et à ta descendance. Ta descendance sera pareille à la poussière de la terre ». Au moment où Jacob est obligé de fuir, où sa vie, à vues humaines, est un échec, la promesse est une nouvelle fois formulée, avec force : « Vois ! Je suis avec toi et je te garderai partout où tu iras et je te ferai revenir vers cette terre car je ne t’abandonnerai pas jusqu’à ce que j’aie accompli tout ce que je t’ai dit ».
Le Seigneur nous attend là où nous sommes, dans notre quotidien, au cœur des crises les plus violentes, dans l’aridité de nos échecs et de nos amertumes. C’est là qu’il vient se tenir près de nous, nous parler, nous relever. Puissions-nous, comme Jacob, découvrir sa présence, et nous écrier, émerveillés : « Vraiment, c’est le Seigneur qui est ici et ne le savais pas ! ».
Pasteure Agnès Lefranc, Église protestante unie d’Orléans