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Pertinence et impertinence de la Réforme*
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Les recompositions politiques et religieuses de notre époque font apparaître le citoyen et le croyant comme des personnes qui choisissent leur propre chemin. Les questions du vivre-ensemble et d’appartenance se posent donc à neuf. La Réforme propose les Écritures comme signe que nous ne sommes jamais notre propre origine.
Comprendre la dynamique de la Réforme
Cette pertinence, toutefois, se révèle aussi comme impertinence, et il faut reprendre l’histoire de la Réforme pour en comprendre la dynamique.
La violence des polémiques entre chrétiens du XVIe a su peu à peu faire place à la démarche œcuménique, la lecture confessionnelle, clivante, s’est effacée devant l’exégèse scientifique promue par la Réforme, l’antijudaïsme a reconnu sa faute devant l’amitié judéo-chrétienne. L’adossement de l’Église au pouvoir a été remis en cause par la sécularisation et la séparation des Églises et de l’État. La force civilisationnelle du protestantisme, passée au filtre de l’Humanisme et des Lumières, a définitivement marqué les sociétés démocratiques et libérales, en Europe mais aussi par contagion dans le monde entier avec l’impertinence prometteuse de la liberté de conscience, de la liberté d’interprétation, de l’égalité homme-femme, du mandat électif, de la culture du débat y compris et surtout au plan éthique…
La fidélité à l’esprit de la Réforme a donc gardé un grand nombre de croyants des dérives les plus tragiques : la dérive identitaire contestant le dialogue et la rencontre œcuméniques ; la dérive fondamentaliste contestant le travail critique de la philosophie et des sciences humaines ; la dérive antisémite ignorant la tradition juive et son actualité ; la dérive théologico-politique faisant croire que l’Évangile promeut un modèle politique, social, familial et moral univoque et immuable fait d’inégalités et d’ostracisme, refusant toute démarche inclusive.
L’Écriture seule comme référence indépassable
Mais plus que cela, ce que l’on doit garder de la Réforme est ce qu’on peut nommer goût de l’autre, cette acceptation de l’altérité qui se fonde sur la certitude de ne pas être seul, ni même au « commencement ». Il y a toujours une antécédence, en effet, et il faut toujours se dire, de même, que d’autres suivront. Or cette acceptation provient d’un choix décisif : celui de référer toute compréhension de la foi à un récit fondateur, à un texte « reçu », faisant autorité et dont nous ne sommes pas les auteurs. Cette référence indépassable, qu’on résume en deux mots, Sola Scriptura, signifiera ici que le croyant s’inscrit dans une lignée, une histoire, et une destinée qu’il n’a pas choisies, et dont les seules clefs de lecture se trouvent, de façon unique, dans le grand récit biblique, pour déchiffrer le monde, l’interpréter et y faire résonner une promesse indépassable.
François Clavairoly
* Cet article fait partie du numéro spécial édité par Le Protestant de l’Ouest en 2017, à l’occasion des 500 ans de la Réforme.