Benjamin Biolay louvoya longtemps entre un dandysme narquois et une sincérité hautaine, sale gosse surdoué courant au devant de toutes les gloires possibles – chanteur, compositeur, producteur, auteur, pygmalion, époux, amant, twittos, acteur…
Mais il dispose d’une curieuse classe affleurant sous l’insolence, d’une âme d’artiste effaçant sa noire goguenardise. Approchant des cinquante ans, il sort son dixième album et Saint-Clair ne raconte pas un artiste pacifié, pacificateur ou pacifiste. Il ne s’agit pas de guerre non plus : après Johnny Hallyday ou Lou Reed sur des modes différents, il se pose la question de l’âge dans le rock, avec d’autant plus d’acuité que la matière musicale de ses nouvelles chansons se charge de beaucoup de guitares et de claviers, de saturation et de rythmiques puissantes.
Biolay règle quelques comptes avec le contexte religieux de sa jeunesse, les titres de ses chansons explorant à la fois des débris de dévotions et la toponymie d’une vie en France : « Santa Clara » (en duo avec Clara Luciani), « Sainte-Rita », « Saint-Germain », « Saint-Clair ». Il s’étend çà et là sur ce qu’il appelle « l’éminent silence de Dieu » et sur la solitude forcée de qui traverse son siècle sans autre amour que celui que l’on conquiert, vole ou arrache. Évidemment égotiste mais singulièrement sincère, un cheminement dont l’épaisseur des arrangements peut cacher la pantelante poésie et la troublante impudeur.