La bête dans la jungle

Un film de Patric Chiha, avec Anaïs Demoustier, Tom Mercier, Béatrice Dalle, 1h40, drame.

Le film qui m’a plu

……………..Par……

Par Roseline Cayla, EPU d’Angers-Cholet

 

Laissez-vous tenter par ce film de Patric Chiha qui est une magnifique adaptation du roman de l’écrivain anglo-saxon Henry James, roman paru en 1903. Titre bien mystérieux, et bien sûr métaphorique, puisque cette histoire se passe en ville, plus précisément, pour ce qui concerne le film, dans une boîte de nuit.

 

John (Tom Mercier) ce jour-là n’a pas de monnaie pour le monsieur-pipi et May (Anaïs Demoustier) discrètement lui passe une pièce dans la main. C’est ainsi qu’ils se rencontrent. Elle a l’impression de l’avoir déjà vu, il y a longtemps, et c’est exact. Lui ne se souvient plus, mais il a quelque chose à lui dire, qui paraît si étrange que l’on se demande pourquoi May accepte de le suivre dans ce qui ressemble à un délire mystique ! Il a l’intuition qu’un événement important doit arriver et qui décidera du cours de sa vie. Il pense qu’il a été choisi pour le voir. « Ce n’est pas religieux, ce n’est pas une œuvre à accomplir », dit-il à May intriguée qui le questionne, mais c’est quelque chose qui le dépasse.

 

John parle peu, plongé dans son monde intérieur. Il est solitaire mais cela lui importe peu. « N’est-ce pas l’amour qu’il attend ? », lui demande May ? « Non, car l’amour, dit-il désabusé, l’amour a une fin, la quête reprend alors et c’est toujours le même scénario ». Non, ce qu’il attend est bien au-dessus de cela. Cela se manifestera un jour à lui, et il demande à May si elle veut bien attendre cette chose avec lui, car cette chose qu’il ne connaît pas, il ne doute pas de sa réalité, et il l’attend avec anxiété. Il redoute de la voir arriver, ce soir peut-être ?

 

Ainsi durant vingt-cinq ans John et May vont se retrouver le samedi soir dans ce même dancing sans nom, à attendre cette chose ! Lui ne danse jamais et ne sait pas danser ! May, qui a un compagnon, Pierre, de danseuse qu’elle était devient avec John spectatrice, comme aimantée par cet homme avec qui rien ne se passe d’autre qu’une conversation en pointillés… Cette étrange histoire est ponctuée en voix off par le narrateur qui reprend quelques phrases du livre.

 

À travers celle-ci, nous voyons de 1979 à 2004 la musique évoluer (les amateurs de dancing seront ravis !) et sans sortir de la boîte, nous percevons aussi le monde extérieur. Au fil des ans, plusieurs sont emportés par le sida. D’autres, après une insouciante vie de fête, font une fin en se mariant ! On perçoit aussi les attentats, l’atmosphère change, soudain la musique devient inquiétante, on entend comme des coups sourds : que se passe-t-il ? Et puis toute une société se devine à travers le monde de la nuit, sur lequel veille l’énigmatique « physionomiste » enveloppée dans son manteau noir à capuchon (Béatrice Dalle).

 

Film prenant ! Vers la fin, symbole peut-être de l’inversion des valeurs : lorsque John erre solitaire dans le quartier et veut aller vers un groupe d’ados qui dansent, il s’attire cette réponse de la part d’un jeune, un enfant qu’il avait vu autrefois auprès de la gardienne de la boîte : « Ne restez pas là, monsieur, c’est interdit aux adultes. » Le monde a changé !

 

On peut voir ce film comme un conte philosophique. Celui qui veut économiser sa vie la perdra… Faut-il déplorer que le monde ne soit pas parfait ? Un homme reste au bord de la vie, persuadé qu’on ne peut rien partager qui vaille avec les autres. Quelle est cette bête menaçante dans la jungle de la vie ? Le combat aura-t-il lieu enfin ?… Peut-on vivre si on craint toujours de passer à côté de sa vie et faire le mauvais choix ? En nous montrant un monde frivole, (c’est-à-dire « le monde » au sens johanique du terme, notre monde !) ce film offre maints sujets de méditation.

Contact