Par Roseline Cayla
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Il était une fois une pauvre veuve qui vivait avec ses deux filles, Blanche-Neige et Rose-Ardante. La première était douce et calme. Elle était imaginative, elle aimait lire et rester à la maison. La deuxième était toujours gaie, elle aimait sortir et découvrir…
L’attente d’une rencontre
Vous souvenez-vous de ce conte des frères Grimm ? Valérie Donselli a sûrement pensé à ce conte en nommant Blanche et Rose les sœurs jumelles de son film L’Amour et les forêts.
Blanche Renard (Virginie Efira, qui joue également Rose) s’investit avec cœur dans son métier de professeur de français. Cheveux blonds caressant son visage, elle attend en rêvant de rencontrer le prince charmant. Rose, cheveux blond roux, avec une frange lui donnant un air décidé, est plus entreprenante : elle incite sa sœur à aller à une soirée où elle veut lui présenter un homme qui lui plaira, c’est sûr…
Un homme qui semblait parfait
Leur mère, aussi douce que Blanche mais aussi pragmatique que Rose, trouve en effet que Blanche doit se changer les idées et sortir un peu. Cependant les choses ne vont pas se passer comme elles l’auraient souhaité. En moins de deux, un prince charmant imprévu, (qui se changera plus tard en vilain crapaud), apparaît en la personne de Greg Lamoureux (le séduisant Melvil Poupaud !) Blanche est subjuguée. C’est l’homme parfait, prévenant, etc. Bref, la voilà bientôt enceinte et mariée, pourtant Rose a fait part à sa sœur de ses doutes : cet employé de banque assez terre à terre n’a rien à partager avec quelqu’un de fin comme Blanche. On les voit pourtant qui s’installent dans leur maison et… parlent en chantant et dansant, comme dans un film de Jacques Demy !
Un premier mensonge
Mais le film ne commence pas ainsi. Une jeune femme à l’air triste, est assise silencieuse dans un lieu anonyme au papier peint à larges motifs de couleurs vives. Le spectateur entend un dialogue sans voir qui parle. Une voix de femme pose des questions : « Comment était-il à ce moment-là ? » et une autre voix répond : « Il était insatiable et d’une douceur infinie. » On comprend alors que cette deuxième voix est celle de la jeune femme que l’on voit et qui se tait. C’est Blanche qui parle de Greg au passé, l’histoire est donc finie, le film la raconte.
Greg a éloigné Blanche de sa sœur jumelle et de sa région natale par un premier mensonge : Blanche découvre dès leur arrivée à Metz qu’il y a été nommé à sa demande, et non victime d’une reconfiguration quelconque de la boîte où il travaille. Il avait prétendu auprès de son supérieur avoir voulu ce départ vers l’Est pour complaire à sa femme qui souhaitait, dit-il, retrouver sa région natale ! « Pas du tout je suis normande » déclare-t-elle au manager qui bredouille : « J’avais mal compris… » Après le départ de ce dernier, Greg trouve moyen d’accuser sa femme « la reine des gaffes ». De plus, il s’arrange pour lui faire dire qu’elle aussi a dû mentir un jour ou l’autre et… qu’ils sont donc à égalité. Le spectateur voit alors avec anxiété la machine perverse se mettre en route.
Une rencontre magique
Après plusieurs mois d’enfer et un deuxième enfant, Blanche, au bord du gouffre, va tenter de se libérer. Elle rencontre par internet un homme au look un peu décalé (Bertrand Belin qui ici ne chante pas et pourtant nous enchante !). Il vit dans la forêt, comme l’ours du conte, et sa rencontre est un moment magique pour Blanche, qui n’a jamais tiré à l’arc et cependant met la flèche dans le mille aux côtés de cet homme attentif. Greg devinant cette escapade va torturer Blanche par ses interrogatoires à tout heure du jour et de la nuit. Tout l’art de Virginie Efirra est de faire monter la tension tout au long du film, qui montre bien le mécanisme de l’emprise et le tourment de la victime prise dans ce piège qui s’est refermé sur elle au fil des jours. Formidable travail d’interprétation de la part des acteurs !