Le moine et le fusil

Un film de Pawo Choying Dorji, avec Tandin Wangchuk, Kelsang Choejay, Deki Lhamo, 1h47, comédie dramatique.

Le film qui m’a plu

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Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet

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Vous avez peut-être vu, il y a deux ans, Une école du bout du monde ! Vous aimerez aussi Le moine et le fusil, film en VOST, du même réalisateur Pawo Choying Dorji. Nous voilà donc à nouveau au Bhoutan, petit pays entre la Chine et l’Inde, pays où l’on évalue non le PNB mais le BNB, le « bonheur national brut »… Mais le bonheur est quelque peu malmené cette fois. Cependant, si vous vous souvenez, le précédent film se terminait avec cette réflexion d’un vieux paysan, qui mettait un bémol à cette vision du bonheur : « Nous espérons que l’instruction permettra à nos enfants d’avoir une autre vie que celle de gardien de yaks. »

 

La démocratie expliquée…

 

Cette fois, nous sommes en 2008, le roi renonce à exercer son pouvoir pour que son peuple accède à la démocratie, et cela, pour eux, ne présage rien de bon ! Qu’est-ce que la démocratie ? Une nouvelle maladie porcine ? Dans les campagnes, cela ne parle guère aux paysans qui ne sont pas au courant des nouveautés (malice du réalisateur !). La télévision et Internet sont arrivés depuis peu en ville.

 

Il s’agit donc de leur expliquer ce qu’est la démocratie qui permettra à chacun, leur dit-on, de choisir par un vote celui qui les gouvernera. Tous les grands pays, leur dit-on, ont la démocratie, ils doivent donc l’avoir eux aussi… ils seront plus heureux… « Mais nous sommes déjà heureux » disent-ils. Cependant, ils sont toujours aussi pauvres. L’achat d’une gomme pour une écolière est déjà un petit problème, et, comme le dit l’un de ceux qui aspirent à une autre vie : « La seule chose à laquelle pensent les gens ici, c’est de se procurer, une fois par mois, un morceau de lard à mettre avec les légumes. » Ils ne voient pas plus loin que l’aujourd’hui, et l’argent ne semble avoir aucune valeur pour eux, ils n’en souhaitent pas plus, juste pour assurer leur vie au jour le jour… Pourtant certains ont des dettes, ceux qui veulent se procurer quelques éléments de la vie « moderne » …

 

… des élections factices…

 

Mais revenons à la question du moment. Comment entrer en démocratie ? Dans un premier temps, ils doivent apprendre à voter. Le gouvernement envoie dans les campagnes des fonctionnaires pour organiser d’abord des élections factices. Il faut inscrire les personnes sur une liste… Certains n’ont qu’un prénom et ignorent leur date de naissance… Ensuite, on va imaginer qu’il y a trois partis politiques, le jaune, le bleu, le rouge… Il est certain que le réalisateur donne de la politique une idée très caricaturale puisque, pour le notable du village qui explique aux paysans ce qu’il s’agit de faire, choisir son camp semble consister à invectiver l’adversaire, à le huer, en réponse à ses partisans qui l’acclament. Comme le dit une vieille grand-mère : « Pourquoi nous apprendre à nous détester alors que jusque-là nous nous entendions tous très bien ? » Le réalisateur fait de ces paysans des personnes ignorantes qui montrent par leur naïveté où est la vérité ! Bien sûr il s’agit d’une fable plutôt réjouissante, on sourit et on rit. Mais d’aucuns ne pourraient-ils interpréter cela comme une incitation à se désintéresser de ce qui se passe dans le monde, pour ne s’occuper que des siens ? On voit en effet une jeune femme reprocher à son mari son investissement en temps pour ces fameuses élections (les véritables alors !). Il néglige sa famille, il s’est fâché avec sa belle-mère et à l’école, leur fillette est persécutée par ses camarades, à cause des prises de position de son père. On pourrait également faire une lecture passéiste de cette histoire : il faut que rien ne bouge puisque tout le bonheur du monde est là…

 

… et une histoire de fusil

 

Mais cette histoire d’élections va croiser une histoire de fusil : un Américain (riche, cela va de soi…) est à la recherche d’un fusil, une pièce rare, vous verrez pourquoi… Au passage, évocation ironique des USA : « Le dollar est la plus forte monnaie du monde », dit-il en montrant le billet au possesseur de l’arme convoitée, lequel n’est pas du tout impressionné. « Une grande nation », continue l’Américain, « chacun peut posséder une arme et il y en a plus que d’habitants ! » De son côté, le lama du village demande à son disciple de lui trouver au moins une arme, (y a-t-il des armes au Bhoutan ?) pour une cérémonie qu’il va faire à la pleine lune, afin de restaurer la vie au village, qui selon lui, ne va pas bien… De son côté, la police cherche à mettre la main sur des trafiquants d’armes, sur lesquels elle enquête depuis quelque temps… C’est une histoire à suspense qui va se terminer d’une façon absolument inattendue et cocasse ! On ne s’ennuie pas et on assiste mine de rien à un plaidoyer pour la non-violence.

 

Allez voir ce film étonnant !

 

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