Le film qui m’a plu
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Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet
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Olivier Py est metteur en scène et directeur du théâtre du Châtelet. Le titre nous prévient : à partir du peu que l’on connaît de la vie de ce dramaturge et comédien, Olivier Py imagine la vie de Molière dans les coulisses, comme sur la scène ou dans la salle, lors de la dernière représentation du Malade imaginaire.
Place au théâtre
Ce n’est pas du théâtre filmé mais nous sommes spectateurs, installés dans un théâtre, et ce théâtre est magnifique, avec ses décors rouge et or, éclairé à la bougie (il en a fallu un très grand nombre, renouvelées quotidiennement !), puisqu’il s’agit de la reconstitution du théâtre du Palais-Royal.
Mais « Place au théâtre » répète le régisseur qui s’agite en tous sens et presse les uns et les autres, car c’est le moment d’entrer en scène pour le dernier acte de la pièce.
C’est Laurent Lafitte qui joue Molière, lequel joue le malade « imaginaire » alors que, malade, il l’est vraiment et n’en peut plus. Mais « il va falloir y aller » lui dit-on, sinon le grand nombre de gens qui participent à la réalisation du spectacle ne seront pas payés. Tous se rendent compte que Molière vit ses dernières heures et déjà on se demande comment la troupe va pouvoir continuer. Devant nous, se joue le drame d’un homme en train de mourir, mais d’un homme vivant jusqu’à la mort !
Lafitte a 50 ans, presque l’âge de Molière au moment où il crachait ses poumons sur scène pour la dernière fois. L’une des amies avec qui je suis allée voir ce film et moi-même, victimes toutes deux d’un virus saisonnier, toussions comme si le personnage nous avait contaminées ! On est en effet tout de suite plongé dans la réalité, dans le théâtre du Palais-Royal où la vie suit son cours, on peut avoir un sentiment d’éparpillement (ici on boit une tasse de chocolat, là on flirte, là on cancane) indifférents à la mort qui rôde (trois vieilles Parques ricanent : Dominique Frost, Catherine Lachens, Judith Magre). Tout est possible à la cour de Louis XIV !
Il n’y a pas de distance entre le langage de la pièce et le langage du quotidien. On passe de l’un à l’autre sans s’en rendre compte. Le réalisateur l’a voulu ainsi. Hommage à la langue de Molière qui est déjà, plus qu’aucune autre, nous dit Olivier Py, le français d’aujourd’hui.
Au service du roi
Pour sa jeune femme Armande, la fille de Madeleine Béjart, (Madeleine avec laquelle Molière fonda autrefois la troupe de l’Illustre théâtre ; selon le point de vue d’Olivier Py, c’est même cette dernière qui en est à l’origine), pour Armande donc, il semble important que le comédien accepte de signer son renoncement au théâtre avant de mourir, sinon il ne sera pas enterré chrétiennement. C’est l’Église qui garantit l’honorabilité ! Mais Molière est au service du roi, comme il le dit, non au service de l’Église. Il est vrai que la vie de sa troupe dépend de la subvention royale. Le roi aime rire et il est assez intelligent pour accepter un théâtre subversif !
Olivier Py dans un seul plan-séquence plutôt large (comment fait-il ?) utilise le lieu dans tous ses recoins, les loges, la scène, les coulisses, le sous-sol (d’où il fait sortir Jean-Baptiste Poquelin tenant tête à son père tapissier du roi, mais aussi Armande Béjart (Jeanne Balibar) sa première épouse défunte, ou encore Michel Baron qui n’était alors qu’un enfant de la balle de 9 ans). Le spectateur reste toujours dans le théâtre du Palais-Royal, et de sa place il assiste à tout ce qui se passe, partout !
On attend le roi, viendra-t-il ? Un noble s’emploie à séduire l’acteur favori de Molière, Michel Baron, beau jeune homme que l’on voit en train de prendre un bain de lait ! Molière, selon un biographe du XVIIe siècle, vécut la dernière année de sa vie avec le jeune acteur d’à peine vingt ans dont il fit son légataire et qui reprit avec succès ses grands rôles (il joua également les tragédies et fut reconnu comme le plus grand acteur de son temps).
Un film vraiment magnifique à tous les points de vue, mise en scène, jeux des comédiens, décors, musique (Marc-Antoine Charpentier). Ce qui est raconté, même si ce n’est pas tout à fait vrai, apparaît comme très vraisemblable. On a l’impression de partager des moments de la vie au XVIIe siècle, et on est ému de voir mourir notre cher Molière dont la vie toute entière fut théâtre, semble dire Olivier Py ! Et le théâtre peut-il mourir ? En tous les cas il continue d’être un ferment d’humanité, il continue d’offrir des moments de communion, y compris tout simplement à la fin du film, avec ce chien qui aboie longuement, sous la pluie, lorsque l’on creuse la tombe de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière.