Le film qui m’a plu
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Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet
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En Exode 21.28 je lis :« Si un bœuf a renversé un homme ou une femme et qu’ils en sont morts, le bœuf devra être lapidé. Ses chairs, en revanche, ne seront pas mangées, et le propriétaire du bœuf sera considéré comme innocent » ! On trouve des textes du Moyen Age et même des actes du XVIIIe siècle qui évoquent des procès faits contre des animaux coupables de délits, voire de crimes. Aussi le titre du film de Laetitia Dosch, Le procès du chien, m’a intriguée !
Un maître malvoyant
Y a-t-il encore aujourd’hui des procès d’animaux ?
Eh bien l’histoire est très librement inspirée d’une affaire authentique qui s’est passée en Suisse (mais le chien n’est pas venu au tribunal tout de même !). La réalisatrice (dont c’est le premier film) interprète le rôle d’Avril, l’avocate de Cosmos, le chien qui risque « l’endormissement » (c’est le terme utilisé) car c’est un récidiviste. Cette fois il a mordu au visage une auxiliaire de vie portugaise, Lorene (Anabela Moreira). Sans être « un chien d’aveugle », Cosmos est le compagnon d’un homme malvoyant, Dariuch (François Damiens) qui est très attaché à l’animal : « Mon p’tit garçon d’amour » lui dit-il en lui faisant des mamours !
Dariuch vient crier sa douleur auprès de l’avocate (dont les clients perdent toujours leur procès…). La voix de cette dernière qui tire sur les aigus lorsqu’elle s’emporte, fait qu’on ne la prend pas très au sérieux, pense-t-elle, et elle se répète de façon pathétique : « Avoir la voix grave » ! Déstabilisée au départ par la demande de Dariuch, elle va finalement mettre toute son énergie à défendre Cosmos. Cette fois, elle doit gagner ! Elle va d’abord s’acharner à démontrer que Cosmos n’est pas un objet mais un être vivant, et soulève le statut juridique des animaux. La plaidoirie va devenir très drôle bien qu’il s’agisse d’une véritable tragédie.
Un chien obéissant
Ce chien n’est pas méchant (appel à témoins…), il obéit sans problème à l’éducateur canin (Jean-Pascal Zadi)… certes Lorène a été défigurée, mais il l’a mordue parce qu’il n’avait pas compris le geste de la femme, il a voulu se défendre se croyant agressé (désopilante reconstitution de la scène…). Les chiens ont été empêchés par la domestication d’être ce qu’ils sont, des animaux de la forêt, des animaux sauvages. Qu’est-ce que le sauvage ? (Les choses prennent une tournure philosophique !) Les chiens ne sont pas des êtres humains, mais les humains ont-ils vraiment perdu leur sauvagerie ? Cosmos entendant le hurlement des loups leur répond. On se sent mal dans le tribunal ! Oui, car Cosmos a été convoqué à la barre. Le juge (Mathieu Demy) s’adresse à lui comme à un être humain… Mais, dit-il très sérieusement : « L’animal ne peut faire le récit de ce qui s’est passé. »
Cosmos est alors interrogé et doit répondre par l’intermédiaire d’une intelligence artificielle ! On verra aussi un étonnant comité d’éthique intervenir et se disputer au sujet de l’âme du chien... « Ce chien ne mord que les femmes, ce chien est misogyne ! » D’où, une manifestation féministe devant le tribunal ! Mais les animalistes soutiennent le chien, « un humain comme les autres » ! Enfin une femme, agitant le spectre de l’insécurité, est à la tête d’une foule qui crie « A mort ! » (En contrepoint, depuis le début, lors de conversations, à la terrasse d’un café ou à la maison, on voit que la parole, le propre de l’être humain, est aussi un acte qui métaphorise… le comportement animal du mâle humain pour le rendre acceptable !).
Un film qui traite de divers sujets graves, sans pesanteur. Un film un peu loufoque, mais qui donne aussi matière à réflexion, sur les rapports que les êtres humains ont entre eux et plus généralement sur les rapports entre tous les êtres vivants.