Le tableau volé

Un film de Pascal Bonitzer, avec Alex Lutz, Léa Drucker, Nora Hamzawi, 1h31, comédie dramatique.

Le film qui m’a plu

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Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet

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Ce film est inspiré d’une histoire véridique. La première scène est là pour donner le ton ! Le commissaire-priseur André Masson (Alex Lutz), accompagné de sa stagiaire Aurore (Louise Chevillotte) « qui fait la gueule », comme le lui reproche son patron, a rendez-vous chez une vieille dame à l’accent rocailleux, (à qui son neveu rappelle discrètement ce qu’elle ne doit pas oublier de demander) pour la vente d’un tableau estimé 800 000 euros. Dans son salon luxueux, elle affiche son racisme, en présence de son auxiliaire de vie métisse qu’elle semble ignorer : elle veut vendre ce tableau pour que sa fille n’en hérite pas, car cette dernière est en couple avec un noir, et, « c’est bien dommage, elle ne fréquente que des noirs » ! Aurore échange un regard avec son patron qui ne se départ pas de son attitude déférente… « Dans notre métier nous devons nous adapter à la clientèle », dit-il lorsqu’ils sont sortis, « faire la pute ! » Nous avons ainsi un aperçu du milieu dans lequel évoluent les commissaires-priseurs…

 

Le tableau

 

Venons-en à l’histoire contée dans ce film. Le jeune Martin, ouvrier chimiste qui travaille de nuit (Arcadi Radeff) s’est installé avec sa mère dans une petite maison qu’ils ont achetée en viager, avec tout ce qu’elle contient. Le propriétaire vient de mourir à 98 ans ! « Cela nous a fait long à payer ! » dit la maman (Laurence Cote).

 

Au mur, un tableau qui au début n’a pas spécialement attiré leurs regards. C’est juste pour savoir s’il vaut quelque chose que Martin et sa mère vont s’adresser au commissaire-priseur dont nous avons fait la connaissance ci-dessus. Il a pour collègue son ex-compagne Bertina (Léa Drucker) qui est restée son amie. Il aime en imposer, étaler sa réussite, et se montre un patron imbuvable avec Aurore (certes peu souriante et…un peu mythomane !), laquelle en retour le recadre sèchement et c’est assez comique. Il aime les belles voitures, les montres de luxe (ces dernières sont soigneusement rangées dans un coffret) et ne pense qu’au business ! Un rendez-vous est pris. En contre-point avec l’accueil de la vieille dame riche de tout à l’heure à qui tout semble dû, nous assistons à l’embarras de Martin et de sa mère, laquelle a préparé le café pour recevoir les deux commissaires-priseurs et leur avocate, Me Egerman (Nora Hamzawi). Masson, inconscient que refuser ce café est une marque de mépris à l’égard de ces « petites gens » (il s’exprime ainsi lorsqu’il en parle à sa collègue qui s’en étonne…), veut voir le tableau au plus vite, pour vérifier, comme il le suppose, que celui-ci est un faux. Les deux femmes, elles, veulent bien prendre d’abord ce petit café, petite leçon pour Masson… En voyant le tableau au mur de ce modeste salon ouvrier, Bertina en est certaine : le tableau n’est pas un faux…

 

C’est un tableau, exceptionnel, d’Egon Schiele (1890–1918). Il faisait partie de la collection d’une famille juive, spoliée par les nazis en 1939. Le tableau n’ayant pas réapparu après la guerre, on le pensait détruit. C’est pourquoi, lorsque la nouvelle parvient aux oreilles des marchands d’art, tous, sans l’avoir vu, sont formels : il doit s ‘agir d’un faux. Martin apprenant cette histoire ne veut tirer aucun profit de ce tableau mais le rendre au plus tôt à son propriétaire ou à ses descendants. Il restera médusé de voir l’annonce des prix lors de la vente, et sera invité à rencontrer les héritiers de cette riche famille venus à Paris.

 

Le monde du marché de l’art

 

Échanges téléphoniques entre Masson et l’américain propriétaire du tableau, Bob Wahlberg (Doug Rand), entre la salle de vente à Paris et une salle de vente à New York, qui conteste le choix de la mise en vente en France… Intervention d’un prétendu spécialiste allemand, très vieux, dont l’avis est surprenant, et de l’avocat américain Me Rochebourg… Où l’on voit que le monde du marché de l’art est un panier de crabes. On assiste à la vente aux enchères… Je ne vous en dirai pas plus !

 

Ce film donne une vision ironique du marché de l’art, où le regard porté sur les œuvres peut changer en un instant en fonction de leur prix ! Il est intéressant aussi par tous les personnages qu’il met en scène et qui nous donnent à voir autant de classes sociales. Si Masson est si arrogant avec les humbles, et si obséquieux avec les riches, c’est qu’il garde de son enfance un complexe d’écolier pauvre… Aurore a peut-être un problème, mais ce n’est pas celui qu’il imagine… Si elle arrive à déjouer le piège dans lequel son patron allait tomber, c’est parce que son père à elle (Alain Chamfort) a été ruiné par son associé… D’autres personnages gardent leurs secrets, Bertina, personnage sympathique pour qui « rien n’est jamais trop tard », ou Me Egerman qui, pour la venue à Paris de Martin, prend sous son aile ce jeune ouvrier chimiste « qui a peur des femmes », selon la maman…

 

D’un côté, le monde de ceux qui ont beaucoup d’argent et de l’autre ceux qui n’ont même pas idée que ce monde-là existe, et ne l’envient pas, car ils ont bien d’autres choses à penser. Le père d’Aurore en est revenu de ce monde où règne Mammon : « Tu auras une belle vie ma fille, l’argent, les voyages, les relations… Mais la vie c’est pas ça, dit-il. La vie c’est encaisser, faire semblant et revoir à la baisse ».

 

J’aurais aimé en savoir plus sur tous ces personnages, car ils ont une existence, et elle fait oublier l’objet qui est au centre de ce tourbillon d’argent : le tableau que, finalement, personne ne regarde !

 

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