L’Île rouge
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Un film de Robin Campillo, avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle, 1h57, drame.
Le film qui m’a plu
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En 1947, à Madagascar, une révolte contre l’autorité coloniale a été sauvagement réprimée. République malgache depuis 1956, ce pays a accédé à l’indépendance en 1960. Cependant la présence française demeurera jusqu’au début des années 70, moment évoqué dans l’Île rouge, un film de Robin Campillo.
Un groupe de militaires vit dans l’enceinte de la base 181, où rien ne manque pour accueillir leurs familles, « un vrai paradis ». Les hommes sont à leurs travaux, les épouses s’ennuient, les enfants font des bêtises. Thomas, 8 ans, un peu solitaire, préfère lire dans son refuge (une caisse de déménagement !) et observer ceux qui s’agitent autour de lui. Il ressemble sans doute beaucoup au réalisateur enfant, qui était lui-même fils d’un sous-officier de l’armée de l’air.
Thomas lit à haute voix les aventures de Fantômette, la petite justicière masquée qui opère la nuit, et son héroïne est là, se fondant dans le sombre de la végétation… Il fait la connaissance d’une petite fille qui connaît aussi Fantômette : voilà quelqu’un avec qui l’on peut échanger ! Thomas est plus sensible, plus secret que ses deux frères aînés, pour lesquels leur père semble avoir plus de considération. Il est proche de sa maman qui accède à son désir d’avoir un déguisement de Fantômette…
On voit, dans l’interstice entre deux planches de la caisse, les yeux de l’enfant qui jugent les adultes. Il y a l’exubérance du « Pied-noir », qui parle beaucoup et boit de même, le fatalisme de sa femme, au langage assez leste. Il y a le père de Thomas, un peu macho, qui craint de ne pas être à la hauteur. Les frères de Thomas, lors d’une fête au bord de la piscine, effraient les convives avec de petits crocodiles. Le père s’attire une remontrance de son supérieur hiérarchique. Il doit savoir « tenir » sa famille. « Pour qui tu te maquilles ? » demande-t-il à sa femme. Certes, sur la piste de danse, ces messieurs se font un jeu de détourner la femme du prochain. Un jeune couple arrive de France et tranche un peu sur le reste du groupe. « Vous verrez, mon enfant, ici vous serez comme dans un cocon ! » Lors d’une soirée où les enfants sont couchés, Thomas qui ne dort pas, regarde à travers le verre dépoli de la porte du salon… Sa maman ouvre la porte. « Tu n’es pas comme d’habitude » lui dit-il. L’enfant n’a pas forcément conscience de ce qui se passe mais il ressent la tristesse de sa mère. À un autre moment, on voit un jeune militaire fréquenter une ouvrière malgache. Sa hiérarchie le remet rudement « dans le droit chemin ». Ainsi les catégories demeurent : colons, colonisés. L’aumônier catholique pratique un exorcisme sur le jeune amoureux, car celui-ci ne peut qu’être possédé, bien sûr, pour ne pas respecter les codes du groupe ! La jeune femme malgache n’accompagnera pas le militaire en France. D’autre part, elle a conscience que son pays à elle aspire à une autre vie après le départ des Français. Ces derniers semblent ressentir la présence d’un danger proche, proche comme cette forêt luxuriante à l’orée de laquelle, dans les bambous, se rencontrent les ados, et où on peut fantasmer des présences hostiles. À un moment, un groupe de prostituées envahit le poste de garde. Un soulèvement semble imminent. À l’instant de s’en aller, la maman de Thomas veut faire une photo de la famille réunie, « Pour se souvenir », dit-elle. Bonheur faux. « Je ne veux pas me souvenir », dit Thomas. Mais longtemps après, les souvenirs seront reconstruits, dans ce film impressionniste, sensible, mais qui n’évoque pas les véritables problèmes de ce pays car le petit garçon ne pouvait en avoir conscience. La vie était douce là-bas, mais n’était-ce pas parce que c’était le temps de l’enfance ?