Le film qui m’a plu
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Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet
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Le film commence avec l’arrivée de Rosalie (Nadia Tereszkiewicz) chez son futur mari, Abel Deluc (Benoît Magimel), qui a conclu l’affaire avec le père (Gustave Kervern) sans même avoir vu la future épouse. Le père a-t-il bien apporté la dot convenue ?
Un parti qui semble beau
Nous sommes dans les années 1870 dans la campagne française. Abel est un homme meurtri par la guerre. Il porte un lourd corset pour soutenir son dos. Peut-être ne peut-il plus travailler à la fabrique comme les autres ? Il paie à tempérament un estaminet dont le propriétaire est une sorte de hobereau, Marcelin (Benjamin Biolay), qui ne manque pas de venir réclamer son argent, tout en disant à Abel que celui-ci n’en aura jamais assez pour payer ce qu’il doit et qu’il ferait mieux de renoncer à cette idée. La dot de Rosalie est une bonne affaire pour Abel. Rosalie est jolie, elle sait broder, fabrique elle-même ses vêtements. De plus, dit le père, « elle sait lire et même écrire »…
Il semble pourtant pressé de la « caser ». Y a-t-il chez elle quelque chose qui la disqualifierait sur le marché du mariage ? Abel semble embarrassé devant cette jolie jeune femme qui craint de ne pas être aimée et n’ose pas entrer chez lui. « N’ayez pas peur », lui dit-il plein de compréhension… Rosalie vit sous le regard de Dieu. Honnête, elle voudrait prévenir Abel d’une chose, mais il se méprend et finalement elle ne dira rien !
Une vie où le gris domine
Quand, après le mariage, Abel découvre le torse velu de Rosalie, il ne sait que penser d’abord. « Vous avez toujours été comme cela ? » Rosalie est ainsi depuis toujours. Depuis son plus jeune âge, son père, avec qui elle vit seule, lui rase le visage pour que l’on ne soupçonne pas qu’elle a de la barbe. Mais Abel ne peut s’y faire ! « J’espérais que vous seriez différent », lui dit-elle. « Et moi que vous soyez comme toutes les femmes », dit-il.
Marcelin règne sur une sorte de communauté, dont il est « le principal bienfaiteur ». Il y a la fabrique, où les hommes se rendent, au son de la cloche. Les femmes sont à la blanchisserie. On voit chacune, devant sa porte tout au long de la rue, occupée à coudre. Il y a l’orphelinat tenu par des religieuses. On voit passer les fillettes sous leurs pèlerines bleues. Et il y a l’église où le pasteur rappelle ses fidèles à leurs devoirs… Pour tous, semble-t-il, une vie de travail et de tristesse où le gris domine.
Une décision assumée
Lorsqu’arrive la jeune Rosalie, dans son élégante robe bleue, elle attire les regards. Puis les hommes sont jaloux d’Abel : quelle chance il a ! Sa femme est charmante et elle lui sera une aide au café. Pourquoi Abel reste-t-il renfrogné ? Mais Rosalie veut être aimée pour ce qu’elle est et ne pas se laisser imposer ce qu’elle doit être. Devant sa décision de porter la barbe, chacun révèle sa véritable nature. Les hommes la désirent, avec ou sans barbe, mais son mari continue de coucher dans l’atelier… Rosalie ne songe pourtant qu’à donner doucement confiance à Abel, à apporter de la joie dans cette morne communauté… Le village est sans dessus dessous ! Rosalie aime la vie et la suscite autour d’elle, en même temps que la haine. On l’accuse de détourner chacun du droit chemin… Je dirai que Rosalie a un aspect christique. Son mari, un homme bon mais désemparé, évolue peu à peu, même s’il ne sait pas toujours comment agir au milieu de ces rustres qu’il connaît bien. Il réagira par la violence face au provocateur, et sera lui-même victime de la violence du groupe qui s’acharnera aussi sur Rosalie…
Un film inspiré d’un personnage réel
Le film s’inspire de la vie de Clémentine Delait qui n’était pas une bête de foire, mais une femme, avec une barbe. L’hirsutisme dont elle était atteinte n’est pas un cas unique même s’il est rare. Clémentine travaillait dans la boulangerie de son mari, Joseph Delait, qu’elle avait épousé à l’âge de 19ans. Ne pouvant avoir d’enfant, ils adoptèrent une petite-fille de cinq ans dont les parents étaient morts de la grippe espagnole. Lorsque Joseph n’eut plus la santé suffisante pour continuer le métier de boulanger, ils ouvrirent un café que Clémentine tenait de main de maître. C’est à la suite d’un pari avec un client, en 1901, qu’elle laissa pousser sa barbe qu’elle avait jusqu’alors rasée. Profitant de l’engouement suscité par cette barbe, elle posa pour des photos qu’elle dédicaçait, dont la vente permettait au couple d’arrondir ses fins de mois. Puis le couple tint une mercerie. Clémentine eut une vie très active dans divers domaines.
Rosalie n’est pas Clémentine, mais je vous laisse découvrir ce qui est à la fois le récit de son émancipation et une émouvante histoire d’amour. Un film que vous aimerez, j’en suis sûre !