Accueillir et écouter l’autre

Tous les dimanches on célèbre Pâques, en nous souvenant de la mort et de la résurrection de Jésus. Et si on fêtait un peu plus souvent aussi sa naissance ?

 

 

Par Françoise Giffard, Église protestante unie d’Angers Cholet

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Les récits de la Nativité n’ont pas été écrits pour fêter Noël. Leur but était plutôt de proposer, à la façon des Grecs, un condensé symbolique de la vie de Jésus.

 

Matthieu, par exemple, met en scène des astrologues venus d’Orient. Ces hommes, intrigués par une étoile inhabituelle, l’ont suivie. Ce sont des étrangers qui les premiers ont perçu qu’il se passait quelque chose d’important dans le monde. Arrivés à Jérusalem, les Juifs ont été capables de les renseigner sur le lieu de naissance du Messie. Mais ni les religieux, ni les politiques ne se sont déplacés. Et pourtant, cela faisait des siècles qu’ils l’attendaient ! Seuls des étrangers ont vu et rencontré Jésus.

 

Les lecteurs de Matthieu étaient des Juifs chrétiens qui comprenaient le message de Jésus comme la suite de la révélation de Dieu au peuple élu. Mais notre évangéliste insiste : l’Évangile est maintenant ouvert aux étrangers. Car cette ouverture a été très compliquée à accepter pour eux. Comment faire Église ensemble sans les marqueurs religieux juifs spécifiques ?

 

À un moment de l’histoire de notre pays dont la devise est liberté, égalité, fraternité, nous ressentons que la fraternité se conçoit de plus en plus dans un entre-soi, c’est vrai au niveau social, ce qu’ont indiqué les votes aux dernières élections. C’est aussi vrai au niveau religieux. L’intégrisme fleurit partout. Le monde fait peur et on se replie sur sa communauté et ses traditions rassurantes.

 

C’était le cas des Juifs au temps de Jésus, suite à l’exil à Babylone, aux invasions grecques, puis romaines. Alors ils se sont repliés sur eux-mêmes, valorisant des marques d’appartenance comme la circoncision ou les règles de pureté.

 

Et ce repli identitaire, ce refus d’accueillir la parole d’étrangers, leur a fait rater l’événement au cœur de leur espérance : la venue de leur Messie.

 

Qu’en est-il de notre Église ? Nous réfugions-nous dans un entre-soi rassurant, portant haut et fort le drapeau du protestantisme, en nous accrochant à tous les symboles qui nous paraissent fondamentaux : la forme du culte, un certain type de cantiques, le style de nos temples, notre culture… ? Ou sommes-nous prêts à accueillir des étrangers, étrangers géographiques, ou étrangers de culture religieuse, qui viennent entendre l’Évangile ? Leur indiquerons-nous le chemin sans y aller nous-mêmes ? Ou accepterons-nous de nous laisser bousculer par eux pour ensemble aller à la rencontre du Christ ?

 

Le récit des mages nous invite à ne pas céder au repli sur soi identitaire mais à accueillir et écouter les autres différents de nous. À ne pas défendre une certaine conception du protestantisme qui nous rassure. Mais de vivre selon l’expression Ecclesia reformata semper reformanda, une Église réformée se réformant sans cesse. Car elle n’est pas le but mais seulement le cadre. Notre but est de vivre de l’Évangile du Christ et d’en être ses témoins auprès de tous, proches ou lointains.

 

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