Par Françoise Giffard, Église protestante unie d’Angers-Cholet
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C’était un procédé courant dans l’Antiquité. Un des buts principaux était de permettre une diffusion importante du texte mais aussi de continuer l’œuvre du maître après sa mort. Par exemple, on soupçonne Speusippe, successeur de Platon, d’être l’auteur du recueil Les définitions, attribué à Platon.
Et dans la Bible ?
Les auteurs religieux n’échappent pas à cette règle, même dans nos bibles. Dans l’Ancien Testament par exemple, les exégètes du livre d’Ésaïe émettent l’hypothèse que, de trois textes écrits à des époques différentes, seul le premier peut être attribué au prophète du VIIIe siècle. Les nouveaux auteurs voient alors leurs ajouts comme une nouvelle formulation adaptée à leur temps du texte initial du prophète.
Dans le Nouveau Testament, l’exemple le plus typique concerne les épîtres de Paul. Un certain consensus au sein des chercheurs considère les épîtres aux Romains, 1 et 2 Corinthiens, Galates, Philippiens, 1 Thessaloniciens et Philémon écrites ou dictées par Paul. Les autres sont en général considérées comme pseudépigraphiques, telle l’épître aux Colossiens.
Sur quoi se fondent les exégètes ?
Tout d’abord, ils analysent le vocabulaire et le style employés, même si l’auteur réel essaie souvent de rendre son imitation plausible. Puis vient aussi la comparaison des idées. Enfin, il faut étudier les problématiques traitées en les situant dans le temps. Par exemple, les lettres de Paul pseudépigraphiques visent à combler le vide créé par la mort de l’apôtre pour résoudre « comme il l’aurait fait » les problèmes nouveaux qui se posaient à l’Église.
Prenons pour exemple 2 Thessaloniciens. Tout d’abord l’imitation de la première lettre est trop importante pour que ce soit Paul qui ait écrit cette lettre. Une nouvelle lettre de sa part aurait été différente. On y trouve même des leurres en 2.2 et 3.17. On peut noter des écarts théologiques, avec par exemple l’attente imminente de la parousie dans la première lettre et son retard dans la seconde, sujet très certainement important pour les destinataires. Certains écarts stylistiques viennent conforter ce qui, bien sûr, ne reste qu’une hypothèse hautement plausible.
Ces textes peuvent-ils faire autorité ?
Une telle pratique nous choque aujourd’hui. Mais dans le contexte de l’Antiquité, ils n’étaient pas vus comme des faux. Les auteurs sont des personnes de confiance, des responsables d’Églises dont le but est d’actualiser l’enseignement de personnalités de référence tout en lui donnant une diffusion large. Les Églises de l’ensemble de la chrétienté reconnaissaient leur intérêt majeur quant à la foi et n’ont pas hésité à les mettre dans les listes des canons de la Bible. Ils les ont choisis en se fondant sur leur fidélité au message transmis. En parallèle, ils ont su rejeter en raison de leur contenu d’autres écrits pseudépigraphiques, comme par exemple les évangiles de Pierre, de Philippe, de Marie, etc.
Nous devons donc faire confiance à ces générations de croyants qui ont retenu certains écrits pseudépigraphiques comme des textes fondateurs pour la foi chrétienne et nous les ont transmis.