…………
Par Philippe Malidor, Église réformée de Bourges-Vierzon
…………
Noël, c’est aussi la célébration de la charité chrétienne : c’est grosso modo le jour le plus court de l’année ; on plonge au cœur de l’hiver et les pauvres ont faim et froid. L’image de Jésus, lui aussi SDF au moment de sa naissance, obligé de naître dans des conditions de dénuement telles que les services sociaux seraient scandalisés et déclencheraient (peut-être) une enquête pour maltraitance, renforce ce mélange hiver-pauvreté-charité-paix aux hommes de bonne volonté, qui nous émeut et nous gêne à la fois, parce que, passé les fêtes et les appels aux dons auxquels nous aurons répondu diversement, tout continuera, business as usual, il y aura toujours dans notre pays riche des pauvres qui mourront dans la rue à l’âge de 48 ans en moyenne.
Une provocation
Nous n’aurons cependant pas tort de souligner qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, et celle-ci s’est aggravée avec l’agression de la Sainte Russie contre nos voisins ukrainiens.
Il y aurait de quoi déprimer. Sauf que… Jésus est venu dans un monde bien plus effroyable que le nôtre : villes coupe-gorge ayant une hygiène effroyable, banditisme de grand chemin (voir la parabole du bon Samaritain), férocité d’État (Luc 13.1, par exemple), valeur nulle de la vie humaine (regardez les films Spartacus ou Gladiator), tout cela régissant un Empire pourtant structuré.
L’ordre règne et les autobahn de l’époque se multiplient. On est, qu’on se le dise, en pleine pax romana ! Eh bien, c’est dans ce contexte où petits et grands tyrans règnent sur un peuple constamment menacé que Dieu décide de faire naître son Fils unique pour annoncer au monde entier le pardon des péchés et l’avènement d’un règne de paix et de justice. C’est une véritable provocation.
À entretenir
Cette provocation, il nous revient de l’entretenir dans un monde désabusé, cynique, où les promesses sont trahies, le vocabulaire dévalué, les amitiés fausses et Dieu muselé. Il nous revient de proclamer par la parole et par l’exemple qu’on peut tenir ses engagements, penser ce qu’on dit, aimer sincèrement les gens et… croire en Dieu.
À Noël, rien ne cadre : un petit enfant vient au monde dans l’obscure famille d’une obscure contrée d’un immense empire, et on nous dit que c’est le Fils de Dieu et qu’il va changer la face du monde (regardez la fin du film Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, où Coluche fait de l’évangélisation malgré lui).
Il s’est écoulé assez de siècles pour que le monde ait déjà changé grâce à Jésus. Changé, mais vraiment pas assez. Il y a même des périodes de régression. Nous fêterons donc Noël et redirons « que ton règne vienne » tant que le Royaume de Dieu ne sera pas instauré. Telle est notre espérance. Et tel est le sens du « Joyeux Noël » que nous nous adresserons encore cette année.