Loi de séparation des Églises et de l’État, l’Église compte ses forces

Jocelyne Cathelineau, membre de l’Église protestante unie de Melle-Celles-Saint-Maixent, s’est plongée dans les archives de son Église. Elle a publié quatre articles dans le journal de son Église, Bonne Nouvelle Jonas. Nous vous livrons le premier de la série.

Trésors d’archives – volet 1

Victor Hugo*, député de la deuxième République en 1848, galerie des représentants du peuple de l’Assemblée nationale française, Paris © Domaine public

 

 

Par Jocelyne Cathelineau, Église protestante unie de Melle-Celles-Saint-Maixent

 

Massivement souhaitée par les protestants, la loi de séparation des Églises et de l’État est promulguée le 9 décembre 1905. Elle met fin à un Concordat qui aura duré un siècle, et au statut des ministres du culte qui étaient tous -curés, pasteurs, rabbins- fonctionnaires de l’État. C’est une nouvelle ère pour les communautés protestantes : davantage de liberté mais aussi plus de responsabilités… y compris celle de faire vivre les Églises par les seuls dons des fidèles.

 

La situation financière

 

Nous avons la chance de détenir, au temple de Saint-Maixent, le premier bilan financier de l’assemblée cultuelle de l’Église réformée de Saint-Maixent –celui de 1906, donc- et le budget prévisionnel pour 1907 ; ainsi que l’état statistique destiné à l’Union nationale avant le Synode.

 

Il est difficile d’appréhender ce que valait le franc d’alors… Quelques repères : le traitement du pasteur juste après la séparation est de 2 000 francs par an. La concierge du temple, pour sa part, perçoit 60 francs par an (on verra dans la seconde partie de cet article qu’elle est d’ailleurs considérée comme « indigente »). Les communautés de Saint-Martin de Saint-Maixent, Saint-Maixent, Saivres, Exireuil, Nanteuil, Azay le Brûlé, plus les « disséminés », ont versé pour 1906 1935 francs de cotisations, auxquels se sont ajoutés des dons anonymes (443 francs), des collectes (214 francs) et la vente de livres (32,50 francs). La contribution à l’Union Nationale est de 2000 francs, et à l’Union régionale, de 10 francs seulement. Les « circulaires » sont imprimées pour 36 francs, une insertion au Journal officiel (sans doute celle qui acte la naissance de la nouvelle assemblée cultuelle) vaut 6,50 francs, tout de même !

 

Ce sont bien sûr les communes qui deviennent propriétaires des murs et doivent assurer le gros entretien du temple. Chargée du petit entretien des locaux et du mobilier qui lui appartient en propre, la communauté pour 1906 a versé 1 franc à l’horloger pour la réparation de la pendule, 2 francs au couvreur, 7 francs au serrurier et 1,85 franc au quincaillier. On apprend au passage que le « chauffage et l’éclairage » sont assurés au charbon et au gaz… encore que… la formulation ne soit pas très claire.

 

Les statistiques paroissiales

 

L’intérêt principal des archives de la première Église d’après Concordat ne réside pas dans ces bilans comptables soigneusement calligraphiés. Qu’en est-il des âmes ? C’est l’état statistique qui nous renseigne sur ce sujet. Pour une communauté qui doit compter environ 13 000 personnes, le pasteur a assuré pour 1906 : vingt-trois baptêmes, quatre mariages entre protestants, deux mariages mixtes, trente-quatre services funèbres, et a reçu à la Cène dix-sept catéchumènes. Quatre-vingt-douze jeunes fréquentent l’école du dimanche, et vingt-quatre celle du jeudi.

 

L’imprimé à retourner à l’Union prévoit une case que le pasteur renseigne ainsi :

« Depuis la Séparation, les auditoires ont beaucoup diminué, beaucoup de personnes ici pensent qu’il est plus prudent vu ce qui se passe de ne pas venir au temple (Note de l’auteur : Le pasteur fait-il allusion aux troubles des « inventaires » qui ont surtout touché les églises catholiques ?). Il nous faudrait un réveil ! (Note de l’auteur : malgré l’absence de majuscule, il est évident que G. Jaujard ne parle pas d’un réveille-matin, mais d’un Réveil religieux, une réaction contre le rationalisme qui a gagné les fidèles, les éloignant du message de l’Évangile). Mon système d’évangélisation et le seul possible à mon avis dans nos régions ce sont les visites auxquelles je consacre presque tous mes après-midi. »

 

Les descendants des martyrs de la Réforme seraient-ils devenus des tièdes ? Vont-ils se faire tirer l’oreille pour contribuer à la vie de l’Église ? Nous le saurons dans la partie deux de cet article, grâce à une liasse de fiches conservée à la sacristie du temple de Saint-Maixent, et qui donne un bon aperçu d’une paroisse réformée mi-rurale, mi-urbaine, dans laquelle les disparités sociales sont marquées.

* « En un mot, je veux, je le répète, ce que voulaient nos pères, l’Église chez elle et l’État chez lui », citation extraite d’un discours de Victor Hugo prononcé le à l’Assemblée nationale.

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