Luther et ses collaborateurs

Cette peinture, souvent appelée Luther et ses collaborateurs, exposée à la Lutherhaus de Wittenberg, est la copie d’un tableau, ou plutôt d’un détail d’un tableau, de Lucas Cranach le jeune1. L’œuvre originale - La Résurrection de Lazare, Épitaphe pour le maire Michael Meyenburg - datée de 1558 était autrefois conservée dans l’église Saint-Blaise de Nordhausen, avant de disparaître dans les tourments de la Seconde Guerre mondiale.

Le protestantisme par la peinture

La résurrection de Lazare Lucas Cranach le jeune © Domaine public

 

Par Éric Deheunync, Liens protestants

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Au centre, Lazare ressuscité sorti de sa tombe ouverte fait face au Christ qui le bénit ou le ressuscite d’un geste de la main. Cinq femmes directement derrière sont tombées à genoux en assistant au miracle. À l’arrière-plan un groupe de disciples entre par un portail Renaissance. Le premier plan est occupé par les donateurs, en particulier le chef de famille Michael Meyenburg mort en 1555. À gauche de l’événement biblique se dresse un groupe d’éminents représentants de la Réforme et de l’humanisme. Il fait partie de l’ensemble pictural même si sa composition est clairement séparée du reste des personnages. Ce détail du tableau est devenu une œuvre à part entière.

 

Les portraits

 

Luther et ses collaborateurs © Domaine public

Les personnages portraiturés sont pour la plupart identifiables. Au premier plan, Martin Luther et Philipp Melanchthon se font face. Ce dernier joua un rôle majeur comme rédacteur de la Confession de foi d’Augsbourg et comme « chef théologique de la Réformation allemande » après la mort de Luther. Le successeur du réformateur fut néanmoins contesté en des temps incertains pour la Réforme luthérienne. Entre les deux hommes se succèdent de droite à gauche :

– Caspar Cruciger, professeur de théologie. Étudiant à l’université de Leipzig il assista à la dispute (débat universitaire) entre Luther et Eck. Après la mort de Luther, il devint recteur de l’université de Wittenberg.

– Justus Jonas, recteur de l’université d’Erfurt. Ce proche de Luther l’aida à traduire la Bible en allemand et assura son oraison funèbre en 1546.

– Érasme de Rotterdam, prince des humanistes. Ses critiques des « abus de l’Église » ne le conduisirent pourtant pas à la rupture avec Rome.

– Johannes Bugenhagen, pasteur originaire de Poméranie. Il fut un propagateur de la Réforme dans toute l’Europe du Nord mais également un proche de Luther, bénissant son mariage et baptisant ses enfants.

 

À gauche de Luther se trouve Johann Forster, un professeur d’Hébreu réputé souvent invité à la table des Luther. Entre les deux universitaires, on identifie Georg Spalatin. Le chapelain de l’électeur de Saxe joua un rôle surtout diplomatique assurant le lien entre le prince et le réformateur. Les deux hommes restants, dont les visages sont dissimulés, ne peuvent pas être aussi facilement identifiés.

 

Au-delà de l’œuvre

 

Recadrer le tableau c’est en changer le message. Dans l’œuvre originale les réformateurs assistent à un miracle et s’apparentent à un groupe de disciples du Christ. Dans la copie, ils se trouvent isolés. Le sens ne peut plus être le même. Dans la revue Histoire junior d’octobre 2017, le tableau est présenté sous la forme d’un jeu avec pour titre « Luther n’est pas seul ». La Réforme n’apparaît plus comme le fait d’un homme isolé, en l’occurrence Luther, mais comme un mouvement dans le sens de groupe. Tous les hommes présents ont joué un rôle, d’une manière ou d’une autre, dans la réussite de la Réforme luthérienne. Tous sauf un. La présence d’Érasme pose question. Le prince des humanistes ne fut jamais un collaborateur de Luther, ni même un protestant ! Les deux hommes s’opposèrent sur la question de la Grâce et surtout sur la capacité de l’homme à participer à son propre salut. À l’essai sur le libre-arbitre d’Érasme, Luther répondit par son traité du serf arbitre. À la mort de l’humaniste le réformateur n’hésita pas à dire : « Le fameux Érasme est mort à Bâle, sans prêtre, sans prières, bon pour l’enfer ».

 

En fait chaque personnage correspond à un moment de la vie de Luther. Érasme est initialement proche de Luther, dans sa traduction de la bible et dans ses critiques de l’Église. Tandis que Melanchthon renvoie, lui, à l’après-Luther.

 

1 Lucas Cranach le jeune fut le fils de Lucas Cranach l’ancien, ami proche de Luther. Il poursuivit l’œuvre de son père mais leurs styles sont tellement proches qu’il est parfois difficile de les distinguer.

 

 

Pour aller plus loin : Collectif, Lucas Cranach et son temps 1472-1553, Skira Paris, 2011.

 

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