Le protestantisme par la peinture
Par Éric Deheunync, Liens protestants
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Les inscriptions dénonçant l’iconoclasme des protestants et l’impiété de Calvin semblent en faire une œuvre de propagande catholique… ce que contredit pourtant une analyse fine du tableau !
Lyon, ville de commerçants et d’imprimeurs, est rapidement touchée par les idées de la Réforme. À la veille des guerres un tiers de la population est protestant. Lorsque la première guerre de Religion éclate les protestants s’emparent d’un grand nombre de cités du royaume. À la nuit tombée, profitant de l’absence du gouverneur, ils prennent la ville de Lyon par surprise le 30 avril 1562. L’arrivée de renforts, les troupes du baron des Adrets, rend toute contre-offensive hasardeuse. Les statues de la cathédrale sont brisées, les reliques sont brûlées, l’église Saint-Just est rasée, les cloches sont fondues. Le choc est énorme dans une ville restée majoritairement catholique. La cité est redessinée avec la création de nouvelles places et le percement de nouvelles avenues. Conformément aux clauses de l’édit d’Amboise les protestants rendent la ville au roi en juin 1563. Le pouvoir protestant s’apparente donc à une parenthèse dans l’histoire de la ville.
Des scènes d’iconoclasme
Le tableau est une représentation symbolique d’un moment historique. La ville de Lyon y apparaît imaginaire. Les collines semblent quelconques tandis que l’église à dôme au centre est bien difficile à identifier puisque la ville n’en compte aucune de ce type ! Seule l’inscription situe les événements à Lyon.
De nombreuses scènes se juxtaposent. Au premier plan les soldats défilent avec les objets pris dans les églises. Il peut s’agir d’une parodie de procession – un soldat porte une chasuble en signe de dérision – ou du triomphe de l’armée des vainqueurs paradant avec les objets pris à l’ennemi. Derrière cette scène, à gauche, des vêtements liturgiques sont vendus sur une estrade dressée à cet effet. À droite des soldats apportent des coffres remplis d’objets en métal. Déposés sur une table ils sont ensuite pesés pour être probablement fondus. Un peu plus en arrière on observe un personnage sur une estrade faisant une proclamation, un bûcher où brûle un crucifix et des soldats à genoux en prière. La croix de l’église est démontée.
Une œuvre détournée ?
On n’observe aucun désordre, aucune violence contre les personnes. Les troupes sont disciplinées, la violence est maitrisée. Les soldats semblent exemplaires, certains lisent la bible (en bas à gauche) d’autres prient à genoux ou prêtent serment à la bannière royale « Pour servir dieu et le roy »… Le tableau ne décrit donc pas le sac de Lyon mais la mise en place d’un nouvel ordre social. La ville semble purifiée de toutes ses idoles.
Manifestement c’est un proche de la Réforme qui a peint ce tableau mais dans ce cas que penser des inscriptions accusatrices ? « La destruction de Lyon dépeinte [ici] démontre que les dogmes impies de Calvin se fondent sur le vol et le sang.” “Telle était l’apparence des églises et de la ville de Lyon lorsque Calvin en détruisit les droits sacrés. » Certains historiens pensent que les inscriptions ont été ajoutées a posteriori par un catholique pour détourner l’œuvre. D’autres pensent qu’elles sont d’origine, les protestants dénonçant ainsi une propagande catholique sans fondement…
Au final les deux points de vue renvoient à l’univers mental des uns et des autres. Le protestant voit dans ce tableau la mise en place d’un ordre voulu par Dieu avec destruction des idoles accumulées dans les églises. Le catholique ne peut voir que l’inverse avec son lot de profanations.
→ Pour aller plus loin : Lyon 1562, capitale protestante – Une histoire religieuse de Lyon à la Renaissance, Yves Krumenacker (dir), Olivétan, 2009.
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